jeudi 31 décembre 2009

Le "droitdel'hommisme", ça ne marche pas...

Hubert Védrine, dont on peut contester une part de ce qu'il affirme, mais jamais la façon dont il s'exprime, avec clarté et précision, critique vigoureusement le droitdel'hommisme.

Ce néologisme, peu élégant, concerne, dit-il, une politique impossible, celle qui mettrait en avant, partout, les Droits de l'Homme, alors que, nulle part, en aucun pays, on ne place cette priorité avant les intérêts des États. Tout au plus, peut-on observer que l'on tient compte, un peu plus, des Droits de l'Homme dans telle ou telle démocratie.

Qu'il faille rattacher le régime démocratique à un respect, relatif mais plus important, des Droits de l'Homme peut être discuté, de la part des générations dont les ancêtres ont connu l'esclavage, le colonialisme et l'exploitation féroce des entreprises occidentales. RSF, aujourd'hui, rappelle qu'il n'y a pas qu'en Iran, en Chine, ou en Arabie saoudite que les journalistes sont poursuivis, enfermés ou assassinés. En Russie (cette "démocratie" nouvelle), en Italie (la "démocratie" berlusconnienne), en France (la "démocratie" sarkoziste)..., on modère les Droits de l'Homme derrière un réalisme brutal et cynique.

Toutefois, ce n'est pas le relevé du thermomètre mesurant la chaleur des convictions humanitaires qui importe le plus! C'est ceci : pourquoi est-il tout simplement illusoire, voire nocif, parce que mal pensé et inconscient, de fonder une politique sur les Droits de l'Homme?

Afficher l'image en taille réelleÉcartons d'abord ce néologisme : droitdel'hommisme, non seulement parce qu'il est laid mais parce que, là comme ailleurs, toute mise en système d'une valeur au moyen du suffixe isme, débouche sur une contradiction, le refus des droits à penser autre chose que ce qui est inscrit dans le système.

Le totalitarisme des idéologues débouche sur la privation de liberté, voire des mises à mort. Notre histoire l'enseigne. Aussi ne peut-on faire des Droits de l'Homme, un Catéchisme, un Dogme, une sacralisation qui ruineraient ce que sont les Droits de l'Homme : la reconnaissance de la pluralité bien plus que l'affirmation d'une norme universelle.

Nous voici au cœur de la controverse. On ne peut mettre en avant les Droits de l'Homme parce que, d'un bout à l'autre de la planète; on ne pense pas de la même manière les Droits de l'Homme. La Déclaration universelle de 1948 ne contient pas l'abolition de la peine de mort. Le refus de la marchandisation du travail humain, non plus! La dénonciation du commerce des armes, pas davantage. Le droit des hommes à disposer d'eux-mêmes, un slogan qui servit, un temps, à combattre l'exploitation coloniale, n'est plus guère crié. Le droit non encore rédigé, mais patent, des générations à venir face au pillage et à la mise en péril de la planète attend encore ses rédacteurs et surtout son adoption solennelle à l'ONU.

Les Droits de l'Homme auxquels nous nous référons ne peuvent déterminer les politiques parce qu'ils sont non seulement incomplets mais inapplicables partout, de la même manière. Ce n'est pas l'irréalisme des tenants des Droits de l'Homme qui est en cause, c'est cette habitude intellectuelle, ce dualisme mental qui permet de séparer "la théorie et la pratique", la conviction et sa mis en œuvre, les idées et les faits!

On peut ainsi faire la charité et vivre sur le dos de son prochain, clamer : "si tu veux la paix, prépare la guerre", habiller de mots généreux des pratiques cyniques. Les Droits de l'Homme ne peuvent ni passer avant la politique ni constituer une politique parce qu'ils sont dans la politique et, parce qu'ils sont non du texte mais de la vie, ils ne cessent de s'enrichir...


La peau de chagrin...

Quand Stephan Hessel dénonce la politique isrélienne qui viole les Droits de l'Homme, lui, l'un des co-rédacteurs de la Déclaration Universelle, ne donne aucune leçon morale, il affirme que le droit d'Israël à exister est remis en question dès que la politique de cet État interdit aux Palestiniens le droit de disposer d'eux-mêmes, là où ils vivent. Délier politique et Droits de l'Homme est aussi périlleux que de mettre, abstraitement, les Droits de l'Homme au premier plan.


Nicolas Machiavel

Il faudra bien un jour commencer à dépasser Machiavel! L'auteur du Prince a, lucidement, "dé-moralisé" la politique et l'a décrite comme un rapport de forces, y compris les plus violentes. De là à considérer que la démonstration était faite qu'aucune politique ne pouvait s'appuyer sur une éthique, il y a un pas que beaucoup ont franchi. Les "tueurs", en politique, ne sont pas tous des assassins et les mots peuvent remplacer la dague. Ce que les Citoyens du Monde, hier encore considérés comme des utopistes, des idéalistes, des inconscients, ont la possibilité de démontrer, aujourd'hui, ce n'est pas que les bons principes font les bonnes politiques! C'est que l'utopie, l'idée et la conscience aigüe du réel se sont, de nouveau, emparés de la politique.

De nouveau, oui, parce que la démocratie fut une utopie, les idées des Philosophes des Lumières furent -et sont encore- violemment combattues, parce que le temps des Grandes découvertes et des conquérants , ouvert à la fin du XVe siècle, cède devant le surgissement de notre conscience des limites planétaires.


L'utopie est une politique qui s'annonce.

Les politiques des Droits de l'Homme sont réalistes quand elles substituent à l'exhortation morale des invitations pressantes à prendre en considération ce qu'habiter la Terre conduit à entreprendre si l'on veut y vivre décemment. "Si non", ce sera la fin de l'histoire. "Si oui", ce sera d'ici un demi-siècle, non pas l'entrée dans un paradis, mais dans un nouveau faire-face (à des défis non encore abordés, ceux, sans doute, de la démographie fléchissante et du vieillissement généralisé). Mais ceci sera une tout autre épreuve pour les amants des Droits de l'homme...

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

lundi 28 décembre 2009

"L’Appel des appels", un an après...

Un an après, un livre sort ; Roland Gori fait le point ; L’Appel des appels est resté actuel. Cette résistance ne peut être ignorée ! Ci-dessous : brefs extraits d'une analyse à consulter dans son intégralité sur le site : http://www.appeldesappels.org/.

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran




Le malaise en France est bien là, profond, palpable. Misère sociale, crise financière et économique, détresse morale, impasse politique. Le gouvernement navigue entre cynisme et opportunisme.

Au nom de « l’efficacité » mesurable érigée en loi suprême, les réformes visent à enserrer les populations dans des dispositifs de contrôle qui les accompagnent du berceau à la tombe.

Cette conversion du service public en contrôle social à la fois souple, constant et généralisé suppose que tous ceux qui concevaient encore leur métier comme une relation, un espace et un temps réservés à des valeurs et à des principes étrangers au pouvoir politique et à l’impératif de profit doivent être eux-mêmes convertis par toute la série de réformes qui s’abat sur la justice, l’hôpital, l’école, la culture, la recherche, le travail social.

Comme la quête illimitée de la performance ne cesse de produire ses anormaux, ses exclus, ses inutiles et ses inefficaces, elle engendre un appareil répressif proliférant, à la mesure de la peur sociale et des paniques subjectives qu’elle provoque. L’auto-alimentation de la peur et de la répression paraît sans limites.

Magistrats, enseignants, universitaires, médecins, journalistes, écrivains, travailleurs sociaux, acteurs culturels, tous doivent plier devant de nouveaux préfets qui, au nom des « risques » divers et variés, normalisent et évaluent leurs pratiques professionnelles selon des critères idéologiques de contrôle social des populations et de conformisation des individus : nouveaux préfets de santé, les directeurs des Agences Régionales de Santé contrôlent non seulement les établissements hospitaliers, les réseaux sanitaires, mais absorbent également tout le secteur social.

Nouveaux inspecteurs d’université, les experts des Agences d’Évaluation (AERES et ANR) visitent les laboratoires et les équipes de recherche pour vérifier qu’en matière de production scientifique ils obéissent bien à la politique de marque des publications anglosaxonnes. .../... Comme le pouvoir actuel n’est pas à une contradiction près, les réformes qu’il impose peuvent dans le même mouvement désavouer les débats qu’il propose : on diminue l’importance de l’histoire et de la géographie au moment même où s’ouvre un soi-disant débat sur l’identité nationale !


Pour faire oublier les inégalités sociales redoublées et délibérées, la peur de l’étranger est attisée et exploitée sans vergogne.

C’est cette civilisation dont nous ne voulons pas que démonte secteur professionnel par secteur professionnel le mouvement de l’Appel des appels. Civilisation de la haine qui invite à traiter les hommes comme des choses et à faire de chacun le manageur solitaire de sa servitude sociale et le contrôleur de gestion de sa faillite citoyenne.



De l’asphyxie à l’insurrection des consciences

Face à l’irresponsabilité des gouvernements, l’insurrection des consciences s’étend. Désobéissance individuelle, protestations, grèves, contestations multiformes : le refus d’obtempérer est la réponse de tous ceux qui ne se résignent pas au monde de la guerre économique et à cette civilisation d’usurier qui « financiarise » les valeurs sociales et psychologiques et « calibre » les individus comme la Commission Européenne calibre les tomates.

Dans le cours de ce vaste et divers mouvement de refus, il y a un an l’Appel des appels était lancé. Au mensonge de réformes qui, partout, font pire quand elles prétendent améliorer, des dizaines de milliers de professionnels de multiples secteurs, depuis le soin jusqu’à la justice en passant par la culture, le travail social, l’éducation et la recherche, ont dit non. Non, il n’est nulle part écrit que la concurrence de tous contre tous, que le management de la performance, que la tyrannie de l’évaluation quantifiée doivent détruire les uns après les autres nos métiers et l’éthique du travail qui lui donne son sens. Non, il n’est écrit nulle part que les ravages provoqués par un capitalisme sans limites doivent se poursuivre de crise en crise et que l’idéologie de la rentabilité doive modifier jusque de l’intérieur toutes les institutions, surtout celles qui constituent les derniers remparts à la dictature absolue du profit. Non, il n’est écrit nulle part que nous devions rester isolés et désolés face aux désastres en cours dans le monde du travail et dans le lien social.

L’Appel des appels, un an plus tard, est connu comme un des points de ralliement, de croisement et de coordination des résistances. Le travail continue. Il est double : transversalité et réflexion commune. D’abord, établir des liens concrets entre des activités qui subissent toutes la même normalisation professionnelle. Cela se fait dans les comités locaux, et par toutes les alliances locales et nationales tissées entre associations, syndicats et collectifs. Ce qui lie dans ce que nous vivons est plus fort que ce qui sépare nos activités spécialisées.

Ensuite, approfondir la réflexion commune. L’Appel des appels, c’est désormais un premier livre collectif[1] qui propose des analyses précises des réformes et des politiques en cours, et qui tente une compréhension globale de la situation. Pas de lutte efficace possible si l’on ne saisit la particularité du moment, tel est le sens de l’ouvrage conçu comme un outil de transversalité et un point de départ possible d’un travail collectif mené par celles et ceux qui s’inscrivent dans la démarche de l’Appel des appels.

L’Appel des appels, sa force, il la tient de notre conviction partagée que la division subjective et la division sociale ne peuvent être liquidées quels que soient les efforts déployés par les pouvoirs. Réduire aujourd’hui l’homme à l’unité de compte d’une anonyme « ressource humaine », à une force enrôlée dans la mobilisation générale au service de la performance et de la compétitivité, asservie par des dispositifs de management des plus sophistiqués et souvent des plus persécutifs, ne peut qu’engendrer souffrance, révolte sourde, éclats demain qui diront l’insupportable de la négation de l’humain et du social. Nul pouvoir technique, scientifique, économique, quelles que soient ses prétentions à l’instrumentalisation totalitaire, ne saurait supprimer le sujet et le conflit, acquis anthropologiques de la démocratie. C’est la raison de l’Appel des appels. C’est pourquoi, partout où nous sommes, nous ne cèderons pas, nous refuserons l’humiliation et le mépris sans le demander pour l’autre. Pari difficile pour chacun d’entre nous, dont seul le « Nous raisonnable » constitue l’assurance que nous pouvons encore et encore le gagner, pas contre mais avec l’autre, à condition et à condition seulement d’autoriser, d’accueillir et de prendre soin du conflit. Faute de quoi la reproduction de l’espèce finira par anéantir son humanité."

Pour le Bureau de l’Appel des appels
Roland Gori et Christian Laval, Le 22 Décembre 2009.

[1] Roland Gori, Barbara Cassin, Christian Laval (sous la dir. de), 2009, L’Appel des appels Pour une insurrection des consciences. Paris : Mille et une nuits.







samedi 26 décembre 2009

Mon chien s’appelle Socrate

Effectivement, mon chien s’appelle Socrate et, contrairement à mes ancêtres, je suis athée. Mes ascendants, qui étaient Vikings, se sont établis en Normandie aux alentours de l’an 1000 mais, de confession protestante, ils furent chassés vers le Nord et s’établirent, alors, dans la province du Hainaut. Ils ne devinrent Français que vers 1659.

Aujourd’hui, il y a, en France, seulement une cinquantaine de familles qui portent le même nom que moi, mais plusieurs dizaines de milliers en Europe du Nord et en Amérique du Nord.

Pourquoi est-ce que je vous dis cela?

Simplement, pour expliquer pourquoi, bien que je sois Français depuis trois cents ans, le débat sur l’identité nationale, initié par le gouvernement, m’irrite profondément. Pire, il me donne des nausées, avec son odeur de réchauffé raciste, xénophobe, conservateur et clérical.

Comme Socrate, pas mon chien, le Philosophe, je me sens Citoyen du Monde et imperméable à la conception historique d’un fondement chrétien de notre pays.

Ce qui me surprend le plus, c’est que l’on soit étonné que ce gouvernement ait initié ce débat.

Il n’est que la suite logique d’une stratégie en marche depuis de nombreuses années, précédée de propos et d’actes qui n’auraient pas dû nous échapper : création du Conseil Français du Culte Musulman, livre « La République, les religions, l'espérance », audience avec le Pape, discours de Latran et surtout création du Ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire.

Basilique du Latran.

La classe politique française ne peut pas se montrer choquée et nos concitoyens dire qu’ils sont abusés! C’est une avancée de plus dans la stratégie de mise en place d’une société conservatrice et réactionnaire dont rêvent quelques membres de ce gouvernement et d’autres dirigeants occidentaux qui veulent faire table rase des acquis post soixante-huitards et mettre au pas les citoyens en moralisant, à leur profit, la société.

Il faut, selon eux, un socle de croyance chrétienne pour remoraliser la société. Jean Paul II avait déjà plaidé pour faire figurer la référence chrétienne dans le préambule de la Constitution européenne.

Cette idée revancharde est dans l’air du temps depuis plusieurs décennies. Au passage, attention à la loi sur l’interruption volontaire de grossesse qui n’est pas en odeur « de sainteté » chez les bien-pensants.

Quoi de mieux pour valoriser cette idée que de stigmatiser l’autre, le différent, celui qui, venant d’ailleurs, peut-être facilement exclu du groupe ; bientôt, on lui dira que, pour rentrer dans les critères de régularisation, il doit se convertir, car c’est presque de conversion qu’il s’agit, du moins de conversion à l’uniformité.

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Dans son discours de Latran, le Président de la République avait énoncé que « le fait spirituel est la tendance naturelle de tous les hommes à rechercher une transcendance ». De quelle tendance parle-t-il ? Alors qu’il y a plus d’un milliard de personnes de par le monde qui ne croient pas à la transcendance, les animistes, les confucianistes, et c’est faire affront au 25 % d’athées qui composent la société française et qui sont des citoyens.

Quelle vision réduite et limitée de notre monde ! Car enfin, c’est bien de la France de 2010 dont nous parlons, celle que l’on voudrait moderne, en phase avec l’époque, celle de l’univers de l’internet, où l’information est connue en moins de deux secondes partout dans le monde, pas celle de la fin du XIXe siècle ou des années de l’occupation allemande.

Pourtant, le débat qu’on nous propose est celui d’une France de régression, fermée et conservatrice. Depuis toujours, et particulièrement aujourd’hui, la France est diverse, multiconfessionnelle et multiculturelle. Le débat dont la France a besoin c’est celui de la diversité, du respect de l’autre dans sa différence ; c’est redonner vie à notre devise « Liberté, Egalité, Fraternité », en y ajoutant Laïcité comme le préconisent certains.

Comment peut-on prétendre réduire ce débat au respect du drapeau tricolore, à La Marseillaise et au 14 Juillet ? Ces symboles importants de la fondation de la République ne sont plus ceux de la diversité française à l’heure de l’Europe moderne.

Comment prétendre débattre de notre identité nationale, vouloir faire aimer notre nation, et réduire le communautarisme qui semble tant effrayer, sans commencer par s’attaquer aux injustices et aux inégalités :

  • celles touchant les travailleurs sans papiers qui paient des impôts et des cotisations sociales et n’en verront jamais la couleur,

  • celles des jeunes Français des banlieues dites sensibles (à quoi) victime d’un chômage avoisinant les 40 %,

  • celles des anciens combattants africains et magrhrébins qui n’ont droit à aucune reconnaissance,

  • celles de la jeunesse qui fait peur et qui, sans répit, est l’objet de contrôle d’identité infondé par les forces de police,

  • celles des mal logés, plus de 6 millions de nos concitoyens,

  • celles des travailleurs pauvres dont les ONG nous disent qu’ils sont en augmentation importante à la suite des crises financière, sociale et écologique.

  • celles des gens du voyage et des Roms,

  • celles des prisonniers qui ne trouvent, pour beaucoup, d’autres issues que dans le suicide,

  • celles de l’exploitation éhontée des salariés qui eux aussi harcelés recherchent des issues dramatiques,

La liste pourrait être prolongée ...

Non, définitivement, refusons le débat. Faites le savoir en signant la pétition de MEDIAPART (1).

Au fait, et pour conclure, en fait de communautarisme, ne faudrait-il pas démanteler Neuilly-sur-Seine, communauté de riches et de nantis, très dangereuse pour le bien être du reste de notre nation?

http://www.mediapart.fr/journal/france/021209/lappel-de-mediapart-nous-ne-debattrons-pas


Jean-Claude Vitran

vendredi 25 décembre 2009

Ne soyons pas des lemmings?


Serions-nous des lemmings d'Europe, des rats des toundras?
Des rongeurs, des campagnols, des hamsters?
Des animaux prolifiques, des suiveurs, des sots?
Des candidats au suicide collectif ?


Sommes-nous l'innombrable proie des renards!

Non, cette légende du suicide a été démentie.
Les scientifiques la savent fausse.
Les fins massives de rongeurs sont dues à une écologie classique.
Trop peu de nourriture ou trop de prédateurs!


Pourquoi l'animal humain court-il aussi se noyer?

Pourtant, dans la tradition, ce sont bien des rats
Que le Joueur de Flute de Hamelin, image littéraire d'un Pan d'Europe,
Entraine vers la rivière...
Mais ce sont aussi, ensuite, les villageois, qui l'avaient lapidé...


Le Joueur de Flûte se joue des haineux.

Autre symbole : Kokopelli, le Semeur, le Farceur, le Vagabond,
Le Troubadour, le Colporteur, le Dissident, l’Hérétique,
Cet autre Joueur de Flûte (1)
À qui nous tentons d'interdire de distribuer ses semences...!


Kokopelli, si proche de Thyll l'Espiègle,le saltimbanque farceur.

Et si, bien avant, selon Rabelais, les moutons du marchand Dindenault
Suivirent le floucat, le mouton de tête, celui que Panurge jeta à la mer...
C'était pour avertir que nous pouvons tous être moutons
Et courir au gouffre en aveugles inconscients.


François Rabelais, dont l'humour sauve de tout désespoir...

En ce temps où se multiplient les hommes,
Regardons où nous allons.
Lemmings, rats, moutons seraient-ils des humains transformés en bêtes?
Car qui ne regarde que celui qui le précède finira englouti!


Les suivistes chutent plus sûrement, aveuglés qu'ils sont par les mensonges

N'écoutons pas les sirènes, l'une d'elles fut-elle de Copenhague.
Ne soyons pas des lemmings, fussent-ils ceux des contes populaires.
Ne soyons pas ces moutons de Panurge, dont se gausse Pantagruel...
Mais que 2010 soit, pour nous, une année de réveil et de libération.


Et quitte à être des moutons, soyons noirs...

(1) http://www.kokopelli.asso.fr/
Cela fait 17 ans que nous luttons pour conserver le “privilège” de distribuer des semences de tomates, de courges, de laitues, etc. N’est-ce pas pathétique? Comment en est-on arrivé à l’abandon total de nos libertés les plus essentielles? La mafia semencière contre laquelle Kokopelli défend son droit d’exister, c’est cette même mafia qui contrôle la pharmacie, et qui contrôle l’agrochimie, et qui contrôle les chaînes de distribution alimentaire. Ce sont les multinationales des Sciences de la Mort qui stérilisent, qui virtualisent et qui synthétisent le Vivant. Ce dont l’humanité a besoin, ce n’est pas d’un nouveau Messie qu’il soit Noir ou Caucasien-Hongrois. L’humanité s’est fourvoyée dans une impasse écologique dont nul messie, prophète, avatar ou sage illuminé ne va l’en sortir. Il n’est nul besoin de moraliser le capitalisme mais il est par contre urgent de moraliser la morale Occidentale. Depuis l’été 2007, l’Occident a mis sur la table des milliers de milliards de dollars pour sauver les grands brigands de la finance: de quoi nourrir la totalité du Tiers-Monde pendant un ou deux siècles. En toute indécence.
Dominique Guillet, président de Kokopelli.


Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

jeudi 24 décembre 2009

De l'inutilité d'une loi sur la burqa


Ouvrons, avec elles, les yeux sur la réalité!

On amuse fort mal la galerie : il n'y a pas besoin d'une loi nouvelle pour rendre impossible, en toutes circonstances, le port de la burqa en France. Quiconque, adulte, se déplace dans l'espace public a intérêt à être porteurs d'une pièce d'identité. Avec photo!

N'importe quel fonctionnaire en charge de la sécurité publique peut être amené à exiger la présentation d'un permis de conduire, d'un titre de séjour, d'un passeport. Il lui faut alors comparer une image et un visage nu. Rendre impossible ce contrôle est un délit.

La burqa qu'on jetée sur la petite sirène, à Copenhague cache bien plus de sujets d'inquiétude!

Dans ce débat, lancé par des doctrinaires et repris par des manipulateurs de l'opinion, il y a plusieurs dangers. On va crisper des fanatismes ou lieu de travailler à les dissoudre! On va donner à croire, une fois de plus, que tout se règle par la loi! On va faire suspecter tous les musulmans d'antiféminisme. On va contribuer à réduire la laïcité à des interdictions. On va redonner à l'extrême-droite française un champ d'expression. On va jouer avec le feu électoral et essayer d'aboutir à un durcissement brutal de l'opinion.

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On va introduire dans la machine à passionner les foules, après le mot "minaret", le mot "burqa", (alors qu'il y a plusieurs voiles islamiques qui ne grillagent pas toutes les têtes!). On va, enfin, donner à penser qu'existe, dans notre pays, un risque d'afghanisation des comportements des hommes musulmans, ce qui, bien sûr, n'est présent que dans l'esprit des nationalistes franchouillards les plus excités.

Plus dangereux que le port de la burqa par quelques centaines de pauvres femmes qu'il faut écouter au lieu de les fustiger, il y a une opération politicienne et un refus net de considérer les raisons pour lesquelles certaines familles recourent à cette vêture d'enfermement social, dans un pays où, jusqu'ici, largeur de vues et ouverture d'esprit étaient porteurs des libertés publiques! Prenons garde : sous la burqa, ce n'est pas une femme musulmane qui se cache; c'est un agitateur professionnel qui veut bouleverser l'équilibre social à son profit.




Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

vendredi 18 décembre 2009

L'après Copenhague a depuis longtemps commencé


Notre société est assise sur l'automobile
et l'automobile assise sur elle...
Automobile, l'oiseau l'est aussi; mais libre.

La réussite, le demi-échec ou l'échec à Copenhague, -selon les avis officiels ou médiatiques,- n'y changerons rien : la messe est dite! Ceux qui veulent ne peuvent pas et ceux qui ne veulent pas peuvent faire en sorte qu'on ne puisse rien faire. Pourquoi?

Parce que les États dominants obéissent à des intérêts qu'ils ne peuvent bousculer. Parce que la volonté populaire ne s'est pas encore exprimée d'une façon qui contraindrait les représentants des populations à modifier leurs pratiques.

Deux obstacles majeurs sont à lever dans cette phase de clôture du sommet de Copenhague : celui qui s'exprime par la voix de Nicolas Sarkozy (substituer le volontarisme à la volonté, le discours à l'action), celui qui s'exprime par la voix de Daniel Cohn-Bendit (on peut réguler les marchés grâce aux pouvoirs nouveaux que le Parlement européen a reçus du traité de Lisbonne).

Dans les deux cas, marqués par le cynisme, pour l'un, par l'illusion, pour l'autre, on donne à croire qu'on peut peser sur le système, l'aménager, l'humaniser, le responsabiliser, l'adapter à la nouvelle donne planétaire. Entre le défenseur habile du capitalisme qui se sert des outils de l'État pour sauver les intérêts du colosse dont les pieds d'argile s'amollissent, d'une part, et le chercheur d'une tierce voie mariant l'eau et le feu, la décroissance et la croissance, d'autre part, il y a une complicité de fait, en dépit de la vive opposition entre les deux vedettes politiques!

Bien entendu, le leader d'Europe-écologie attire davantage parce qu'il est plus sincère, plus clair plus proche des réalités, mais il commet une erreur majeure en considérant que l'économie de marché est incontournable sauf à vouloir revenir au dirigisme et, tôt ou tard, au totalitarisme. Ce disant, il enferme la politique dans ses deux travers principaux : la démocratie-telle-que-nous-la-pratiquons serait la moins mauvaise des solutions; l'économie-telle-que-nous-la-pratiquons pourrait être rendue acceptable et vertueuse en y mettant le prix de la régulation...

Cette argumentation vient trop tard. Elle rejoint peu ou prou, le social-libéralisme des ex-socialistes et le néo-volontarisme démocrate-chrétien d'un François Bayrou. L'état du monde ne permet plus ces approximations. On peut concéder qu'il est angoissant, en cette période où nous sommes suspendus au-dessus de l'inconnu, d'avoir à se lâcher des mains avant d'avoir touché des pieds, mais c'est ainsi : le capitalisme est condamné avant d'avoir été remplacé!

Les écologistes détiennent les clefs de cette évolution politique vers une responsabilisation des peuples confrontés à des menaces dont nous n'avons pris conscience qu'au début du XXIe siècle, mais ils ne savent pas s'en servir et, comme Dany l'ex-rouge et de moins en moins vert, ils cherchent le compromis avant d'avoir élevé le niveau des exigences pour. La paralysie politicienne les guette donc comme les autres et les serrures de la porte de l'avenir restent bloquées.


Au secours!
Prométhée, Atlas ou Titan ont trop lourd à porter.

Alléger leur charge : c'est ça la décroissance.

Nous allons entendre qu'il faut la décroissance de l'énergie et la croissance des productions vertes. Nous allons lire que la misère des démunis justifie la relance d'une économie productiviste sélective. Nous allons voir, sur nos écrans, des publicités subtiles en faveur d'une l'écologie adaptée à notre niveau de civilisation. Bref, vont se multiplier les arguments évitant de se poser la question qui fâche : la production humaine des biens terrestres ayant généré la ruine de la planète, comment changer de civilisation et sortir l'occident de ses fausses évidences?

C'est pourtant ce à quoi les citoyens vont devoir consacrer leurs pensées et leurs efforts! Nous y apporterons notre contribution, modeste mais déterminée.

Sur la décroissance : voici un site à visiter, avec un esprit critique mais ouvert :http://actu.adoc-france.org/


Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

mercredi 2 décembre 2009

Vrai ou faux? Sarko a-t-il attrappé la Berlu?

Nous découvrons, non sans surprise, l'information qui suit, sur le blog de Jean-Luc Mélenchon. Ou bien elle est fausse voire incomplète, ou bien elle se suffit à elle-même... Et alors, dans ce cas, il nous faut sonner le tocsin, car nous allons quitter l'espace de la République...



Ou bien Mélenchon est une cloche ou bien le bourdon de Notre-Dame ne suffira pas à sonner l'alarme...

Refuser la création des milices de Sarkozy

"Dimanche soir passé, sur France Inter, dans l’émission de Pierre Weill, ("c'est demain la veille"), j’ai évoqué un fait à propos du contenu du discours de Nicolas Sarkozy sur la sécurité en banlieue. Cela a fait figure de révélation. C'est ainsi, en tous cas, que l'a exprimé Jean-Marie Colombani présent sur le plateau. Je recommence donc ici, sur ce blog, pour que la nouvelle ne reste pas confinée. Comment se fait-il qu’aucun média ne l’ai relevée ? Peut être parce que Nicolas Sarkozy fait tellement de discours que leur contenu n’est plus étudié par personne. Nous allons voir combien de temps il faudra pour que le sujet que je soulève vienne en débat dans les médias.

Je rappelle en résumé le contexte. Le 24 novembre, Sarkozy s’est rendu à Bobigny, Epinay (93) et Le Perreux (94) annonçant que « ça va beaucoup bouger sur la sécurité » avec « un plan anti-drogue, un développement accru de la vidéosurveillance, et de nouveaux moyens d'enquête pour la police. » Étrange déjà de voir quelqu’un qui est déjà en première ligne de la responsabilité sur la sécurité depuis plus de 7 ans, c'est-à-dire depuis son accession au ministère de l’intérieur en 2002, affirmer qu’il faut faire bouger beaucoup de choses dans son domaine d’action prioritaire. Notons le quand même. Mais une annonce qu’il a faite, énorme, est passée totalement inaperçue. Lisez cet extrait de son discours: « Des réservistes expérimentés seront recrutés comme délégués à la cohésion police-population. Ils s'appuieront sur des "volontaires citoyens de la police nationale", c'est à dire des habitants dont je veux engager le recrutement pour qu'ils s’impliquent dans la sécurité de leur propre quartier. » Il s’agit là du système expérimenté par Silvio Berlusconi, en Italie, et que l’on appelle « les chemises jaunes » du nom de la couleur de la chemise de ces miliciens.

Ainsi Nicolas Sarkozy a l’ intention de faire des milices et personne ne dirait rien ? Avez-vous bien lu ? Dans votre quartier, certains habitants du quartier auront des fonctions de police, ce qui est déjà incroyable mais, de surcroit, ils auront ce pouvoir dans le quartier lui-même. Qui peut être d’accord avec ça ? Imaginez-vous concrètement ce que cela veut dire comme pouvoirs exorbitants accordés à ces personnes ? Il faut rapidement que nos parlementaires et nos élus locaux s’opposent à cette absurdité. Les milices locales sont la fin du maintien de l’ordre républicain. Aucune des imperfections et lacunes béantes de ce dernier ne justifie que l’on régresse à cette logique milicienne qui va déclencher des abus prévisibles et des inquisitions intolérables dans un pays libre".

http://www.jean-luc-melenchon.fr/

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

lundi 30 novembre 2009

Les minarets de la démocratie

Ce qui ressemble à une simple querelle de clocher, version XXIe siècle, est devenu un débat national. Les Suisses ont voté, le 29 novembre, pour décider si doit être ajoutée à l’article 72 de la Constitution fédérale, qui garantit la paix religieuse dans le pays, une phrase ainsi libellée : « La construction de minarets est interdite. » L’initiative populaire, lancée le 1er mai 2007, avait récolté les 100 000 signatures requises et franchi toutes les étapes juridiques.


L'ennui, avec les élections, c'est qu'elles peuvent produire des résultats politiquement incorrects.


Ils ont
bon dos les Suisses! Ils usent abondamment du référendum. Bravo! Vive la démocratie! Cela peut faire le jeu du populisme...Horreur! À bas cette démocratie-là! La tentation de canaliser l'expression de la volonté populaire est d'autant plus grande que les dirigeants ne savent que faire de ces décisions incongrues prises par ceux qui les mandatent. La démocratie serait-elle chose trop sérieuse pour pouvoir être confiée aux citoyens!

Une belle occasion de méditer sur les contradictions de nos systèmes politiques nous est ainsi offerte. Une élection sans risques n'est plus une élection libre. La vérité n'est pas cachée au fond des urnes. Il ne suffit pas de poser des questions au peuple. Il importe qu'avant tout scrutin un débat long et complet ait pu éclairer les jugements.

Deux écueils se présentent toujours devant le navire démocratique : l'écueil qui, à marée haute, se cache sous les flots et l'écueil qui, à marée basse, se dresse devant les matelots ensablés! Dans le premier cas on n'a rien vu; dans le second cas on ne peut rien faire. Ou bien on vote sans savoir de quoi il s'agit, ou bien on ne peut voter comme on voudrait. Naviguer entre les écueils serait de garder de l'eau sous la quille mais de voir où se dresse le danger. En clair, la démocratie ne supporte ni d'être noyée sous les discours mensongers, ni d'être privée des repères qui permettent le choix de la bonne direction.

Pas de vote sans éléments du débat. Pas de vote sans débat. Sinon..., on vote avec ses tripes. Je ne veux pas d'intégrisme chez moi, or il y a des intégristes sous les minarets, donc, en supprimant les minarets, j'interdis l'intégrisme. Sophisme! Il y a des intégristes ailleurs que sous les minarets. Il y a des minarets qui ne sont pas approchés par les intégristes. Les intégristes qui sont au pied des minarets n'y sont pas forcément majoritaires. Enfin, minaret ou pas, mosquée ou non, synagogue ou pas, église ou pas, temple ou pas, les intégristes ou terroristes trouvent partout matière à fonder leur fanatisme. Plus encore, les doctrinaires de toute obédience, y compris celle qu'on dira laïque ou sans religion, peuvent fort bien manifester un intégrisme ravageur.

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Le mouton noir qu'on a chassé se serait caché sous une burqa?

Ceux qui ne se parlent pas ne peuvent vivre ensemble. Un minaret est aussi dangereux ou inoffensif qu'un clocher. C'est la garantie de la pluralité qui seule garantit la démocratie.

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran




samedi 28 novembre 2009

Laissons Albert Camus dormir sous les oliviers.

Je suis "un homme révolté" !


Révolté que l’on veuille arracher Camus à son repos éternel, sous les oliviers, pour de basses raisons de manipulation de l’opinion publique et pour servir une conception de l’identité nationale qui n'est qu'un simple nationalisme autoritaire.


Révolté que, pour satisfaire une ambition personnelle, on veuille l’enfermer dans un univers de pierre sombre et glacial, loin du chant des cigales, fut-ce le Panthéon.



Dans La peste, Albert Camus fait dire au docteur Rieux : "la vraie patrie est au-delà des murs de cette ville étouffée. Elle est dans les broussailles odorantes des collines, dans la mer, les pays libres et le poids de l’amour. Et c’était vers elle, vers le bonheur, qu’ils voulaient revenir, se détournant du reste avec dégoût".


Quelle faute a-t-il donc commise pour vouloir le punir, lui, Camus, l’homme du soleil, né sur les rives de la Méditerranée, en Algérie, avec laquelle il avait des rapports viscéraux, et qui disait être en exil lorsqu’il s’en éloignait?


Même disparu, Albert Camus est toujours un homme libre, enfant de l’école laïque et républicaine qui mettait le devoir de solidarité avec l’humanité souffrante, comme disait Jaurès, en parlant du capitaine Dreyfus, au-dessus de tout.


Il avait l’exigence de se tenir "du côté de ceux, quels qu’ils soient, qu’on humilie et qu’on abaisse".


De quel droit peut-on vouloir récupérer la mémoire de celui qui, dans son discours de réception du prix Nobel clamait : "l’écrivain ne peut se mettre aujourd’hui au service de ceux qui font l’histoire. Il est au service de ceux qui la subissent". Affirmant, de surcroit , que "les principes qui doivent gouverner les rapports politiques ont valeur universelle".



Albert Camus, Gérard Philippe : deux hommes libres, irrécupérables...

Le prendrait-on pour un laquais que l’on peut mettre au service d’une politique aux antipodes de ses convictions ?


Que reste-t-il aujourd’hui, dans notre société mercantile et individualiste, des convictions défendues par Albert Camus dans son œuvre ?


Peu de choses, alors allez chercher ailleurs d’autres symboles! Cela ne doit malheureusement pas manquer !


Et laissez Albert Camus dormir tranquille sous les oliviers.



Au Panthéon, lui manqueraient les fleurs vivantes...
Jean-Claude Vitran

jeudi 12 novembre 2009

9 novembre 1989 - 9 novembre 2009

Le 9 novembre 1989, le communisme soviétique s’effondrait, ouvrant pour des millions de personnes prisonnières derrière le rideau de fer, des perspectives de liberté et d'espérance dans les bienfaits que la société occidentale devait leur dispenser.


... Et Berlin comme un œil derrière le Rideau de fer!

De nombreux chefs d’État ont fait le déplacement de Berlin pour fêter l’événement, en laissant penser qu’une ère de bonheur et de prospérité, dans un monde pacifié et sans frontière, s’était ouverte le jour de la chute du mur. Curieusement, Barak Obama n’a pas fait le déplacement.

Le 9 novembre 1989, jour de victoire pour les défenseurs des droits de l’Homme, ne fut pas le point de départ d’une ère nouvelle, hormis pour les tenants du capitalisme, qui a sombré ce même jour, dans la pire dérive de son histoire : le libéralisme effréné et son cortège de drames sociaux et humanitaires,.

Vingt ans plus tard, le constat est affligeant.

La planète est hérissée de murs et de barrières infranchissables, entre le États-Unis et le Mexique, Israël et la Cisjordanie, la Chine et la Corée du Nord, la Corée du Nord et la Corée du Sud, le Botswana et le Zimbabwe, l'Afrique du Sud et le Zimbabwe, l'Arabie saoudite et le Yémen, l'Inde et le Pakistan, le Bangladesh et la Birmanie, l'Ouzbékistan et le Kirghizistan, l'Afrique du Nord dans les enclaves espagnoles de Ceuta et de Melilla, sur la côte marocaine... Partout, des murs s’élèvent et ferment les frontières. Plus de 18000 kilomètres de par le monde!

L’Union européenne se barricade aussi derrière les murs de son espace Schengen et, avec la complicité de ces voisins corrompus, édifie aux portes de l’Europe, des centres de rétention, des zones d’attente où des milliers de migrants lorgnent vers ce qu’ils imaginent être l’éden. Il y a 250 de ces centres hors les frontières Schengen.

Même à l’intérieur de nos villes, des murs virtuels séparent les pauvres et les indésirables des riches. Maintenant, des nantis s’enferment dans des résidences concentrationnaires, sortes de ghettos hérissés de caméras de surveillance et gardées par des milices.

En 1989, 85 % des demandes d’asile étaient acceptées, aujourd’hui 85 % sont refusées et les demandeurs renvoyés vers leur pays d’origine où, la plupart du temps, ils risquent la mort.

Attention que ces murs, ces forteresses ne deviennent pas nos prisons! À Paris, pour réaliser le fameux Mur des Fermiers Généraux, 50 barrières d'octroi furent construites entre 1785 et 1788. Le 13 juillet 1789, le peuple de Paris les abattait, ce qui est moins connu que la prise de la Bastille!


« Le mur murant Paris, rend Paris murmurant ».
Beaumarchais, qui y voyait l'une des causes de la révolution, rapporta l'alexandrin fameux témoignant du mécontentement des Parisiens s'apercevant qu'on les emprisonnait.

1789-1989. Et nous? De murs en murs, allons-nous comprendre que l'on élève encore, autour de nous, obstacles, de toutes formes et de toutes apparences? Vingt ans après 1989, est apparue une nouvelle forme de colonialisme : les gouvernants et les entreprises occidentaux prélèvent toujours, à vil prix et sans aucune honte, les ressources des pays du Sud. Aucun dirigeant occidental ne se préoccupe, sauf de façon médiatique et compassionnelle, de la misère profonde de la majorité des populations de ces pays, alors que leurs responsables, leurs roitelets plutôt, corrompus par les mêmes, ne redistribuent pas les recettes et s’enrichissent de façon cynique.

Vingt ans plus tard, le capitalisme traverse des crises à répétition : éclatement des bulles internet et immobilière, crise financière et sociale entraînant une paupérisation organisée de la population mondiale. Demain une crise climatique explosera, résultat d’une croissance exponentielle non maîtrisée et d’une boulimie de création d’argent pour l’argent, avec des migrations sans précédent pour conséquence.

L'ethnocentrisme occidental, qui ne voit la barbarie que chez les autres, nous y conduit tout droit! Maintenir des millions de personnes hors de notre monde, en désespérer des millions d’autres, c’est, en effet, générer le ferment de la barbarie pour demain.


"Le barbare, c'est d'abord l'homme qui croit à la barbarie"
Claude Lévy-Strauss (1908-2009)

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux

samedi 24 octobre 2009

De l'action politique (1)


Ce mythe s'effondre sous nos yeux : la politique, est, essentiellement, l'action des partis. Subsidiairement, la politique, était l'action des élus. Cela ne tient, évidemment, pas davantage. En conséquence, l'élection n'apparait plus comme la condition même de la démocratie, car cette condition, si elle reste nécessaire, est moins que jamais suffisante.



Il nous faudra revenir sur l'utilité des élections dans une société s'affirmant démocratique si nous voulons avancer dans la réflexion sur l'action politique, mais l'urgence n'est pas encore là : avant de s'intéresser à la problématique électorale, il importe de se pré-occuper de ce que peut faire, hic et nunc, le citoyen comme acteur politique.

On peut considérer que l'action dans l'opinion, et sur l'opinion, autour de soi, dans son immeuble, sa rue, son quartier, sa commune, passe par la parole publique, non refoulée, livrée au contraire à la discussion et ouvrant, partout où l'on passe, des espaces de débat. C'est une action lente, minuscule, mais efficace dans la sphère d'influence considérée.


Il est temps de l'ouvrir...

Ce n'est, bien sûr, qu'une forme de l'action, à ne pas négliger, mais d'efficacité limitée. Il faut entrer aussi dans les lieux (physiques ou organisationnels) où le débat existe, où des recherches de solutions s'effectuent, où se nourrit la pensée, où des solidarités s'établissent. Il existe plus de possibilités d'entrer dans ces lieux que nous n'avons de temps à y passer. Trier, parmi ces lieux, ceux où l'on préfère s'investir, est déjà un choix politique.

Être ou ne pas être membre d'un parti politique devient, dès lors, affaire de choix secondaire, car ne pas s'y inféoder est devenu indispensable pour n'être pas instrumentalisé au sein de son organisation, garder toute sa liberté de penser, s'autoriser à pratiquer, éventuellement, la multi-appartenance, s'ouvrir à des mouvements et associations non partisans mais actifs dans la sphère publique.

La politique cesse d'être la politique quand elle n'est plus qu'un métier, une spécialité dans la gestion des affaires publiques, une zone d'influence certes majeure au sein de la société mais séparée, comme le noyau l'est dans son fruit, de la société tout entière. Le crime parfait, en démocratie, c'est de réussir à décourager l'ensemble des citoyens des affaires les concernant strictement, lesquelles ne se vivent pas les jours d'élections, mais au quotidien. Quand la politique dégoute, c'est qu'elle a été trahie. Cherchez la faute...

L'action politique, vue sous cet angle, ne consiste pas à faire « de la » politique, à vivre « de la » politique, mais à vivre la politique! On peut, en effet, être plongé dans la politique sans le savoir ou sans vouloir le savoir; ou bien, à l'inverse, chercher constamment en quoi l'on est concerné, touché, atteint, modifié par l'environnement politique, (lequel n'est pas porté à notre conscience par les seuls médias fournisseurs d'informations justes, ou incomplètes, ou fausses, ou sciemment déformées).

Vivre la politique ce n'est pas en faire, c'est la faire. C'est la dimension non intime de nos vies, celle qui détermine nos relations et donc la vie collective.

L'action politique est si prenante qu'elle conduisait les inventeurs de la démocratie, dans les cités grecques, à réserver sa pratique à ceux qui avait le temps, et donc les moyens, de s'y consacrer tout entiers. Les esclaves et les pauvres en étaient donc exclus. Le « travailler plus » sarkoziste (travailler signifiant, ici, être employé et salarié) a ceci de cynique et d'éhonté qu'il interdit de limiter le temps du travail professionnel, ce que les technologies permettraient, afin de pouvoir consacrer, hors de l'entreprise, du temps à la vie publique pour l'action politique.

Car l'action politique a ceci de difficile et d'essentiel de faire rechercher tout ce qui concourt à la bonne décision. C'est une œuvre de longue haleine qui ne cesse jamais et qui, donc, ne suppose aucune pause entre deux scrutins. Le militant, comme on dit, n'est pas plus qualifié que le député ou le maire pour déterminer ce qui est le bien commun. Il n'y a pas de « spécialiste » de l'action politique. Jean-Jacques Rousseau l'avait précisé dans son Contrat Social : le représentant du peuple, l'élu ou l'animateur (mot que je préfère au vocable guerrier de "militant"!) sont les exécuteurs de la politique et non, à eux seuls, ses décideurs! S'ils sont décideurs, ils le sont au même titre que les autres citoyens. Par contre, ils ont la très lourde responsabilité de mettre en œuvre la volonté populaire quand elle s'est manifestée et de nourrir constamment le débat public.

Depuis l'émergence des outils informatiques, l'ouverture de l'information et de la communication politiques au plus grand nombre a élargi les potentialités d'action démocratique. Elle ne les a pas installées. Tout au contraire, elle a permis que la domination des peuples se fasse plus méthodiquement et plus subtilement, par des armées de professionnels de la communication. Se saisir des instruments d'expression contemporains pour relancer, modifier, transformer, démultiplier, généraliser (donc démocratiser réellement) l'action politique, en l'arrachant à ceux qui la monopolisent à leur profit, tel est l'enjeu.

Là encore, il ne faudrait pas confondre les conditions nécessaires et les conditions suffisantes. Le nécessaire se situe au niveau des moyens. Le suffisant, au niveau des fins. La politique est à placer au niveau des fins plus que des moyens. Internet est un espace politique nouveau qu'il est interdit de déserter mais ce n'est pas l'espace de la vie charnelle là où tout se joue.


Créons partout des agoras!

L'action politique, c'est comme respirer et se nourrir, c'est une nécessité de la vie en société. depuis la révolution française on est passé de l'aristocratie et du pouvoir absolu, à la délégation de pouvoir au sein d'une République démocratique. La contradiction, de plus en plus flagrante, tient en ceci : la délégation, aggravée par la tolérance du cumul des mandats et l'ultra concentration des pouvoirs, conduit au retour du pouvoir absolu. Nous devrons à l'actuel Président de la république française d'en avoir fait la démonstration. Reste à rentrer dans une démocratie qui fasse de chaque citoyen un acteur politique. C'est l'enjeu du siècle.

Jean-Pierre Dacheux