mardi 30 août 2011

Les électeurs dans la nasse



Voici quelques mois encore, les médias ne nous offraient pas d'échappatoire : pour les prochaines élections présidentielles, nous aurions à choisir entre le président sortant et le directeur du FMI !

À présent, le second étant hors course, bien que sur le point d'être bien accueilli à Sarcelles, - moins, désormais, parmi les socialistes ! -, ces mêmes médias nous enferment dans une nouvelle alternative : ce sera Sarkozy ou Hollande. La messe est dite.

Les commentateurs les plus affutés, en tout cas les plus péremptoires, - tels que ceux qui palabrent au cours de l'émission "C dans l'air" -, laissent, certes, la porte entrouverte à Martine Aubry, mais toutes les analyses proposées aux téléspectateurs vont dans le même sens : en période de crise, seuls les candidats de la droite ou de la gauche considérés comme responsables peuvent l'emporter. Exit, par conséquent, toute contestation du système capitaliste : "ça ne marche pas", comme l'avait dit Valéry Giscard d'Estaing, condamnant "le socialisme", dans les années 1970.


Qu'il s'agisse de la primaire organisée par le PS ou de l'élection présidentielle elle-même, tout est déjà organisé pour que les contestataires du bipartisme comptent les coups, sans pouvoir en distribuer eux-mêmes d'efficaces.

Ainsi François Hollande, peut-il déjà espérer obtenir les soutiens de Manuel Vals, Jean-Michel Baylet, s'il y a, - oui, s'il y a...! - un second tour ! L'outsider, Ségolène Royal, ambitionne, en fin de parcours, de peser et "faire roi" qui elle veut, en se vendant, elle, ses électeurs et son avenir politique, au plus offrant, fut-il son ex-époux.

Au reste, tous les anciens soutiens de DSK, ou presque, se sont repliés sur la candidature de François Hollande, lequel peut encore compter sur les "grands élus", ceux que les prétentions de Martine Aubry d'instaurer le non cumul des mandats... agacent au plus haut point.

Et les autres candidats ? Et bien il leur faudra fournir, au second tour, "le bon complément de voix", et ils en seront récompensés, installés qu'ils pourraient être sur quelques strapontins confortables. Qui ne veut plus de Sarkozy devra accepter le choix des socialistes, et ce choix sera le moins socialiste possible...

"Martine à l'offensive", "Pauvre Martine", "Martine Aubry sur la défensive"..., sur internet, les sites de RFI, Le Figaro, France-Info ont des titres qui ne craignent pas la contradiction. Le message à faire passer est limpide : "Martine est mal partie". Sa faute suprême est d'être encore convaincue que le socialisme à la française n'est pas tout à fait fini !

Constatons, enfin, que pour participer aux primaires socialistes il faudra prendre l'engagement (moral) de voter pour le candidat choisi, finalement..., par le parti. Ouverte à tous les électeurs, cette primaire, voulue par les socialistes, leur fera le même le coup que l'élection définitive : il faut rester dans l'alternance UMP/ PS.

Passe encore de chercher à nous convaincre de nous engager pour le second tour, puisque cette élection présidentielle perdure, hélas, et pèse si lourd dans nos actuelles institutions, (et encore, la liberté de vote ne se négocie pas), mais nous enjoindre de voter PS, dès le premier tour, parce que l'on aura participé à une primaire socialiste, c'est un peu fort ! D'autant qu'un écologiste qui ne pourra supporter Hollande pro-nucléaire, pourrait se contenter d'Aubry, prête, elle, à sortir, fut-ce lentement, du nucléaire.

Nous sommes, vous dit-on, dans la nasse ! À nous de ne pas nous y laisser enfermer.



Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

lundi 29 août 2011

Appel européen contre la dictature financière


Indignés nous aussi et solidaires de tous les mouvements de protestation contre l'injustice sociale et l'appauvrissement organisés des citoyens européens, nous relayons cet appel de Médiapart contre la dictature financière et nous vous engageons à le signer en ligne comme nous l'avons fait.

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux


Une crise sans précédent aggrave les inégalités sociales et la pauvreté et entraîne l’Europe vers une catastrophe imminente.

Nous, citoyennes et citoyens d’Europe, affirmons que cette crise n’est pas fatale comme on voudrait nous le faire croire : des solutions existent et elles doivent aujourd’hui être imposées par les peuples. Devant l'irresponsabilité de nombreux gouvernements qui font payer aux citoyens la folie des vrais responsables de la crise de la dette, à savoir les Marchés financiers, nous appelons à refuser la dictature de la spéculation financière et ses terribles conséquences sur nos vies.

Les politiques actuelles conduisent à une impasse économique

Prétextant la crise de la dette, les gouvernements imposent partout des plans de réduction des dépenses publiques qui détruisent des institutions vitales pour le bien commun : école, hôpital, Justice, Recherche, Sécurité sociale ...

Après la crise de 2008, nos dirigeants nationaux et européens s'étaient fermement engagés à limiter les effets dévastateurs de la spéculation financière : ces engagements n’ont pas été tenus ! Pire : la spéculation la plus débridée se déchaîne impunément et mine toute chance de relance économique et de réduction du chômage.

Nous refusons que la finance soit une arme qui broie les peuples au profit des plus riches

Les organismes financiers doivent être au service de la vie sociale et de l’économie, et non l’inverse.

Aussi, nous affirmons qu’il faut aujourd’hui changer de politique et de modèle économique.

Nous appelons les citoyennes et citoyens des pays européens à user de tous les moyens démocratiques et pacifiques dont ils disposent pour imposer les cinq premières

mesures suivantes à leurs gouvernements et aux institutions européennes :

l’annulation des plans d’austérité ;

l’interdiction de toute spéculation financière aux banques de dépôts ;

une taxe substantielle sur les transactions financières harmonisée à l'échelle européenne ;

l’audit indépendant des dettes publiques en vue de leur résorption ou de leur annulation ;

des réformes fiscales visant à redistribuer équitablement les richesses.

Nous nous déclarons solidaires de tous les Indignés et nous appelons à soutenir, développer et fédérer au niveau européen tous les mouvements de protestation.

A cette fin, nous appelons à occuper chaque dimanche, massivement et pacifiquement, les places publiques des grandes villes.

Ces rassemblements hebdomadaires se répéteront aussi longtemps que la volonté des peuples n’aura pas été entendue et respectée. Ils ont vocation à se transformer en véritables forums citoyens pour la reconquête de la souveraineté des peuples. Reprenons en main nos destins pour lutter de façon unie et solidaire contre la dictature financière !

Mille rassemblements populaires pour une Europe des citoyens !

Mille forums citoyens contre la dictature financière !

Pour signer l'appel :

http://blogs.mediapart.fr/blog/les-invites-de-mediapart/180811/appel-europeen-contre-la-dictature-financiere

vendredi 26 août 2011

Et si l'on faisait la chasse à l'inutile

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Gbagbo, Ben Ali, Moubarak, Khadafi, et d'autres à venir, les autocrates tombent. Voici un an cette éventualité n'était pas même concevable...

Berlusconi, Sarkozy très fragilisés... Leur départ, urgent, n'est pas réalisable sur le champ, sans violation constitutionnelle. Hélas, mais ça va venir...

Des États tels que la Grèce, l'Espagne, le Portugal, l'Irlande, l'Islande, hier donnés en exemple, ou tolérés dans leurs excès ou leurs déséquilibres, sont paralysés, à présent, par leur endettement devenu inacceptable. Les grands financiers ont pris le pouvoir réel.

Les USA "décotés", à tort ou à raison, sont, en fait, en recul par rapport à l'économie mondiale, comme jadis le furent la France, la Grande-Bretagne et leurs empires coloniaux.

Une décroissance de la production, dans les pays hier riches, est due simplement à une saturation de la consommation. Mais nul ne veut le voir !

Ces déséquilibres qu'on ne veut voir engendrent, lentement, implacablement, des bouleversements géopolitiques aux conséquences aussi certaines qu'imprévisibles.

On a imaginé un monde où s'enrichir était la loi quitte à détruire nos propres raisons de vivre et les moyens de satisfaire nos besoins essentiels. Il devient impossible de subsister dans ce système...

Et nous voici, en 2011, sept milliards sur la Terre et des élites voudraient nous convaincre qu'on peut continuer dans la voie qu'ils ont mise en impasse !

Et si l'on faisait la chasse à l'inutile ?

Choisissons la rigueur sans austérité, la sobriété plutôt que le gâchis et "faisons des économies" sans tuer l'économie,... Rien de spectaculaire là, mais une rupture cependant : cesser de produire pour profiter, afin de pouvoir profiter de ce que nous produisons qui nous est indispensable. Tous !

En clair, cela signifie que toute consommation qui est provoquée par la publicité alors que des peuples entiers ne peuvent consommer de quoi survivre doit passer en dernier. En clair, cela signifie que la solidarité entre les nations n'est pas affaire d'humanisme mais d'efficacité. En clair, cela signifie qu'il faut produire moins et mieux pour offrir plus à ceux qui ont le moins. En clair, cela signifie qu'il faut cesser de penser "à l'occidentale", c'est à dire en prédateurs et en dominateurs. En clair, cela signifie que l'inutile est une pollution dont il ne faut pas seulement se débarrasser mais dont il faut empêcher l'apparition.

Perdre plus de céréales dans les lieux de stockage qu'on en consomme : c'est inutile. Rejeter à la mer plus de poisson pêché qu'on en rapporte au port pour le vendre : c'est inutile. Transporter la nourriture des hommes d'un bout à l'autre de la terre au lieu la produire au plus près de là où on la mange : c'est inutile. Ne pas isoler les habitations des hommes et devoir les chauffer ou les refroidir à des coûts astronomiques : c'est inutile. Donner à chacun un véhicule individuel au lieu d'améliorer toujours plus le nombre, la sécurité, la gratuité, le confort des transports en commun : c'est inutile. Prétendre protéger la paix en préparant des guerres encore jamais vues, en usant d'armements sophistiqués, surpuissants et extrêmement coûteux : c'est de plus en plus inutile.

On pourrait allonger la liste de ces dépenses qu'on juge indispensables et qui dévorent les budgets et les impôts des populations de qui l'on exige, par ailleurs, des sacrifices sans précédent. Tout se passe comme si le bon sens avait déserté l'esprit des responsables de l'activité économique. Rien ni personne ne saurait empêcher de maintenir un niveau de vie qui n'en est pas un et que se réservent les privilégiés. La révolution culturelle écologique doit s'effectuer au plus vite ! Avant que le sentiment de la nécessité ne s'empare, trop tard, de responsables politiques tentés, alors, de procéder par la contrainte là où la conviction eut pu faire l'affaire.

Nous qui résistons à l'injustice devons résister aussi à l'inutile. Les quatre cinquièmes de ce qui nous est offert à consommer est inutile alors que ce dont nous avons le plus grand besoin nous manque !

Souvent, il nous est demandé par quoi nous voudrions remplacer ce que nous dénonçons. Le changement des hommes en place et des organisations ne suffit pas. Le changement des mentalités ne se déclenche pas par décret. À défaut de "changer la vie", comme nous le promettaient les socialistes avant 1981, chacun peut commencer à changer de vie, de consommation, de transport, de mode d'habitat... Cela prendra du temps ? Certes, mais moins que de poursuivre des chimères qui reportent toujours à plus tard les lendemains qui chantent.
Chantons dès à présent. C'est là une utopie accessible.

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran





mardi 23 août 2011

Sur le monde capitaliste, comme sur l'empire victorien, le soleil ne se couche jamais.


Pendant que nous dormons, la terre ne s'arrête pas de tourner, la bourse de Tokyo s'ouvre avant notre réveil, et celle de New York ferme après notre coucher.


Dans le même temps, autour du monde, d
ans des bureaux luxueux, feutrés et secrets, certainement pour ne pas nous effaroucher, le capitalisme travaille à se partager la galette mondiale.

Dans ces réunions qui sont autant de Yalta économiques, des traités se peaufinent dont il est bien difficile de connaître exactement la teneur.

Bien qu'ils soient destinés à gérer notre vie quotidienne, ils ne doivent pas nous être révélés, pauvres incapables que nous sommes, ne comprenant rien au fonctionnement subtil des rouages économico-financiers. Habitués seulement au monde d'en bas et peu intelligents, nous pourrions avoir des jugements qui jetteraient à bas le fragile édifice capitaliste et ses courtisans.

Comme les corbeaux, dont ils portent l'uniforme noir, ils n'ont qu'un cri : « croissance, croissance, croissance … », alors que nous, les gagne-petits, pensons « bonheur, paix, bien-être, etc ». Des mots dont ils ne connaissent même pas l'existence.

Et comme c'est très tendance, pour se comprendre et qualifier les nouveaux temples où ils se rassemblent, ils emploient des noms de codes : OCDE, OMC, FMI, BM, BCE, ADB, CEA, CESAP, ... et une multitude d'autres noms où figurent toujours, naturellement, les mots : finances, banques, bourse, économie, monnaie, investissement, profit, cash flow, etc …


S'agissant des traités confidentiels, l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce), à partir de 1995, avait entamé des négociations internationales sur un Accord Multilatéral sur l'Investissement (AMI – acronyme bien choisi dans la langue française). Son objectif était d'établir un cadre multilatéral élargissant les normes de libéralisation et de protection des investissements. Négocié dans le plus grand des secrets, lorsqu'il fut enfin sorti de l'ombre par l'action des mouvements de citoyens, l'AMI, a soulevé un tollé général.

Au passage, vous comprenez pourquoi il est indispensable pour ces sectateurs de réduire Wikileaks au silence ?


Pris la main dans le sac, ses initiateurs ne savent, aujourd'hui, plus comment s'en sortir et disent vouloir repousser sa signature à des temps meilleurs, tout en négociant, en catimini, une autre traité, le New Transatlantic Market (NTM), en demandant au Fonds Monétaire International (FMI) de prendre le relais.

Entre autres réjouissances, ce projet aurait, par exemple, permis :

  • à une multinationale d'assigner en justice des gouvernements pratiquant le protectionnisme ou la préférence nationale, établissant des différences de traitement suivant la nationalité de l'investisseur ou créant des conditions de concurrence déloyale ;

  • à une entreprise de tenir le gouvernement pour responsable de toute entrave à son activité (ex : manifestations, grèves…).

La même logique de transfert de souveraineté des Etats vers les sociétés transnationales anime ces deux projets.

Comme le disent si bien plusieurs associations d'artistes de cinéma: "Nous passons des droits des peuples à disposer d'eux-mêmes au droit des investisseurs à disposer des peuples"!


Un autre traité confidentiel est en cours de discussion : l'accord commercial anti-contrefaçon – en anglais Anti-Counterfeiting Trade Agreement : ACTA – un projet de traité concernant les droits de propriété intellectuelle.

Destiné à établir un nouveau cadre juridique et à créer son propre organisme de gouvernance, le champ d'action de ce traité s'étend aux marchandises, aux infractions au droit d'auteur sur Internet, mais aussi aux médicaments génériques.

L'absence de transparence des négociations a suscité de vives critiques, des documents ont néanmoins « fuité », dès mai 2008, (merci Wikileaks) provoquant une importante mobilisation de la société civile mais il a fallu attendre le 20 avril 2010 pour qu'une version officielle soit publiée.

Cette opacité a particulièrement irrité le Parlement Européen qui a entamé un bras de fer avec la Commission européenne à ce sujet. S'il est adopté en l'état le traité :

    - imposera aux fournisseurs d'accès à Internet de nouvelles obligations de divulguer des données personnelles de leurs clients ;

    - permettra aux douaniers de fouiller les portables, les lecteurs MP3 et les téléphones cellulaires ;

    - imposera aussi, au nom de la lutte contre la contrefaçon, des mesures susceptibles de bloquer la circulation des médicaments génériques.


Voilà deux exemples, aujourd'hui connus, des marchandages que le capitalisme néo libéral élabore dans ses officines confidentielles à l'abri des regards de l'immense majorité de nos contemporains.


La seule force de cette oligarchie internationale est d'être unie pour nous exploiter comme des serfs complaisants.


Quand serons nous capable de nous solidariser dans un front commun pour faire échec à leur volonté de nous réduire en esclavage ?


Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux


dimanche 21 août 2011

À quand le suffrage universel ?

La lutte pour un suffrage universel est une très vieille histoire1. L'origine du suffrage universel remonte, en France, à 1789. Le principe du suffrage universel figure dans l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Pourtant, le suffrage universel direct a mis du temps avant de s'installer définitivement.

En 1791, ne peuvent voter que les hommes âgés de plus de 25 ans, inscrits sur les listes de la garde nationale, payant un impôt équivalent à dix jours de travail.

Le vote censitaire2 (est électeur celui qui paie des impots ou qui est riche) a duré jusqu 'en 1848. Il faut attendre 1848 pour que l'instauration du suffrage universel soit définitive. Le suffrage censitaire est alors remplacé par le suffrage universel3 masculin. Nous sommes donc encore loin du suffrage universel, dès lors que les femmes n'auront pas le droit de voter4 avant... 1944!

Il a fallu, en effet, attendre près d'un siècle pour que la France accorde le droit de vote aux femmes, à la fin de Seconde Guerre mondiale, alors qu'elles pouvaient déjà voter dans de nombreux pays : en Allemagne dès 1919, en Turquie dès 1931. En Grande Bretagne, ce droit a été accordé en deux temps : en 1918, les femmes de plus de 30 ans ont pu voter. Il faut attendre 1928 pour que l'égalité homme/femme lors des élections y soit totale. Seuls des pays comme la Belgique (1948) et la Suisse (1971) ont fait moins bien que la France !

Et aujourd'hui ? Qui vote ? Tous ceux qui sont inscrits sur les listes électorales ! En droit, oui ; en fait non. Quant à ceux qui ne sont pas inscrits pourquoi ne le sont-ils pas ?

Il existe un considérable écart entre les citoyens en capacité formelle de voter, ceux qui sont inscrits sur les listes électorales, ceux qui participent au scrutin, et ceux qui voudraient voter mais ne le peuvent par défaut de nationalité française !

En d'autres termes, nombre de ceux qui ont leur mot à dire dans l'organisation de la vie collective, et devraient choisir une orientation politique (référendums) ou des représentants (lors d'élections locales, régionales, nationales et européennes), ne le font pas. Le suffrage universel dès lors, est affaibli.

La tentative d'inscription automatique sur les listes électorales, à 18 ans, n'a pas donné les résultats escomptés. La vérification des adresses, en mairie, a freiné l'exécution de la loi parce que les jeunes « bougent » à cet âge, ignorent souvent qu'ils sont devenus, de fait, des électeurs potentiels, et parce que les modes de scrutins, différents, parfois complexes, découragent ou intimident les nouveaux électeurs.

Restent les raisons politiques de cet éloignement du suffrage universel. Voter dès 16 ans, -projet qui serait positif, s'il est accompagné d'une formation civique poussée dans nos écoles- ne déclenchera pas des participations massives. L'intérêt pour les raisons du vote est bien davantage à promouvoir. On est loin, et on le sait dans l'opinion, de la participation citoyenne aux décisions si l'on s'en tient à la seule désignation de représentants qui se substituent totalement au peuple pour exercer le pouvoir. En France la monarchie républicaine, avec le système présidentiel, a remplacé la monarchie absolue, puis constitutionnelle, et l'on s'y est fait..., mais même si, on le verra en 2012, l'élection présidentielle déplace le plus grand nombre d'électeurs, beaucoup « passent à côté » !

La liste des citoyens qui échappent au suffrage universel est impressionnante. En avons-nous conscience ? Il y a, en particulier :

    • Les Français non incrits par désintérêt pour la vie publique

    • Les Français non incrits par ignorance et manque d'information motivante.

    • Les Français non incrits par refus politique de la représentation.

    • Les Français mal incrits qui déménagent et qui, non relancés, ne se réinscrivent pas.

    • Les Français peu inscrits ayant des règles d'inscription particulières (Gens du voyage)

    • Les abstentionnistes démotivés qui se sentent inutiles et votent rarement.

    • Les abstentionnistes volontaires qui rejettent occasionnellement le choix proposé !

    • Les abstentionnistes constants qui n'ont que mépris pour la politique.

    • Les abstentionnistes incorrigibles, inscrits par hasard, et qui ne votent jamais.

    • Les étrangers non communautaires, vivant en France.

    • Les étrangers communautaires (ne votant qu'aux élections municipales et européennes)

Ce qui est à méditer, c'est que toutes ces personnes qui sont mises ou se mettent à l'écart du suffrage universel sont hors champ politique, ce qui ne trouble pas les partis traditionnels lesquels ne comptent que des poucentages de votants. Il suffirait que la loi invalide toute élection dont le nombre d'électeurs votants est inférieur à la moitié des électeurs inscrits pour que tout change (y compris l'inscription ou la réinscription de nouveaux électeurs !). Si, en outre, les votes blancs (sans avis formulé) ou nuls (refus du vote proposé lui-même), en écartant, évidemment les votes injurieux, devaient entrer dans le calcul des résultats obtenus, sans doute, cete fois encore, y aurait-il un mouvement vers le suffrage universel.

Il y a bien eu, après d'énormes résistances, l'acceptation du vote féminin, pourquoi n'y aurait-il pas, dans des sociétés qui veulent améliorer leur démocratie, la recherche permanente de toutes les possibilités de tendre vers un suffrage vraiment universel, c'est-à-dire dont, sans nécessaire passage au vote obligatoire, le vote soit banalisé, habituel, fréquent, et faisant partie de l'expression rénovée de la volonté populaire sans laquelle il n'est pas de véritable intérêt général.

Reste, pour finir, et ce n'est pas le moindre des défauts actuels de notre système électoral démocratique, que la rétention et la complexification de l'information économique et politique rendent la participation citoyenne de plus en plus malaisée pour les plus modestes des Français ! Autrement le suffrage tend à devenir moins... universel, parce que la population pauvre se pense de moins en moins concernée. La République est en panne quand une partie de la population se condère impuissante ou inapte (ce qui ne trouble guère les élites du pays qui se satisfont sans peine de cette discriminatiuon entre les sachants et les ignorants). C'est pourtant la définition même de la démocratie qui est en cause : décider et décider tous, par le vote, est, dans son principe, ce que dans son histoire même la France a voulu après 1789. Ce choix ne peut que s'amplifier ou tarir. L'universalité du suffrage dès qu'elle se réduit ou même seulement stagne ne peut que se ruiner, peu à peu. Le pire serait que tout le monde vote de façon m écanique et lasse dans un contexte de conditionnement médiatique nouveau n'ayant rien à envier au système électoral soviétique.

Le suffrage vraiment universel, c'est-à-dire libre et concernant effectivement tous les habitants de l'unité géographique de vie concernée peut-être très largement amélioré. C'est une exigence forte des droits de l'homme à laquelle l'explosion des moyens de communications nous impose de veiller.

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

mercredi 17 août 2011

La "règle d'or"

"L’éthique de réciprocité ou « règle d'or » est une morale fondamentale dont le principe est trouvé dans pratiquement toutes les grandes religions et cultures, et qui signifie simplement : « traite les autres comme tu voudrais être traité » ou « Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse ». C'est sûrement la base essentielle pour le concept moderne des droits de l'homme."



Voici ce que rappelle Wikipedia (en accompagnant son article de l'image du tableau de Van Gogh) et qui peut se résumer à ceci : tout homme est mon prochain !

La règle d'or que veulent faire voter aux Parlements de 17 États de la Zone Euro Angela Merkel et Nicolas Sarkozy (à quoi seront invités les dix ou onze autres États de l'Union européenne ?) consiste à s'imposer par la loi des lois (la Constitution), une discipline budgétaire qu'on ne saurait sinon tenir ! Cette amputation du pouvoir parlementaire (qui, pour des raisons historiques ou conjoncturelles peut avoir à voter un budget en déséquilibre) n'inquiète pas les dirigeants pour qui les députés n'ont rien d'autre à faire que ce qu'on leur demande !



Mais allons à l'essentiel. La règle d'or, en démocratie, c'est de ne sacrifier aucun groupe dans la cité. Ce qui se décline ainsi :
• Toute politique de rigueur budgétaire doit rendre visible et effectif un effort général proportionnel aux revenus des citoyens.
• Toute politique économique doit, en priorité, satisfaire l'organisation de productions indispensables pour satisfaire les besoins fondamentaux de tous les habitants.
• Toute vie en société suppose la solidarité de ses membres et l'éthique de réciprocité (ou la règle d'or) conduit à ne jamais demander au peuple dont les dirigeants font partie ce que ces mêmes dirigeants ne s'imposeraient pas à eux-mêmes.

En clair, toute règle d'or qui ne se fonde pas sur le partage est une règle d'étain qui pliera à la première secousse sociale. Ce à quoi l'on assiste, dans la zone euro et hors d'elle, c'est à la négation de cette règle d'or à laquelle peut s'en tenir l'intelligence. Il s'agit d'imposer une austérité sélective. Il s'agit de comprimer le niveau de vie des masses, partout en Europe, comme si la majorité des citoyens devait "payer le prix" d'erreurs qu'ils n'ont pas commises. Il s'agit surtout de chercher à continuer à fonctionner dans un système qui se brise !

L'exemple le plus caractéristique de cet acharnement à vouloir "ne rien changer quitte à tout changer" est celui-ci : il faut continuer la croissance en limitant le pouvoir d'achat. Dans la logique même de cette économie de marchés qui prend l'eau, on devrait savoir que produire sans consommer devient vite impossible ! Moins et mieux produire pour pouvoir vivre non dans l'opulence des favorisés, mais dans la sobriété volontaire et partagée de tous, constitue une hypothèse inabordable pour ces esprits qui ne fonctionnent autrement qu'au sein de leurs dogmes. La règle d'or à laquelle obéissent déjà ces messieurs et dames c'est : ne touchez pas à mon or (ou à mes actions, à mes revenus bancaires, à ce à quoi ne peuvent aspirer les "gens de peu").

La règle d'or que l'on veut faire adopter et par le Parlement et par l'opinion (maintenant que le "travailler plus pour gagner plus" a fait faillite), c'est : "un peuple en dette est un peuple pauvre ; puisons dans nos réserves pour payer nos dettes". Autrement dit : appauvrissons nous pour nous enrichir... Belle logique ! Qui va s'appauvrir davantage et qui va s'enrichir n'est pas dit. Avec cynisme on nous le laisse deviner : la France est et restera un pays de plus en plus riche qui se refusera à enrichir ses propres enfants en tout cas la majorité d'entre eux.


L'abolition des privilèges, à Versailles

À quelques jours de la commémoration du vote de la déclaration des Droits de l'homme et du citoyen, le 26 août 1789, on a honte de voir le retour des privilèges et des privilégiés, car la règle d'or est devenue : laissez les riches s'occuper de choses sérieuses et que nous suive la populace.

Résister et changer, résister pour changer est et reste notre conviction. Avec les forces qui s'expriment partout, et de plus en plus souvent, d'indignation en indignation, nous empêcherons la perpétuation de cette injustice dorée.

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran





mardi 16 août 2011

L'Europe se réduit-elle à l'Allemagne et à la France ?

Le tapage qui est fait sur la rencontre, à Paris, ce 16 août 2011, entre Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ne couvre pas les millions de constats qu'expriment les Européens des 25 autres États membres ! L'Europe est en panne, mais pas parce que les deux "locomotives" économiques ne tirent pas exactement dans le même sens. La panne est politique : on ne sait de quelle Europe on parle !

S'agit-il de l'Europe de la zone euro et de ses 17 États-membres (ci-dessous en bleu) ?


S'agit-il de l'Europe de l'espace Schengen qui regroupe 22 États-membres de l'UE et 3 États associés : l'Islande, la Norvège et la Suisse ?

Carte représentant l'espace Schengen. Distinction entre les pays signataires, pays signataires mais sans application des accords (Roumanie, Bulgarie, Liechtenstein, Chypre), pays intéressés (Vatican) et pays de l'UE non signataires (Royaume-Uni).
http://fr.wikipedia.org/wiki/Convention_de_Schengen

S'agit-il de l'Europe du Conseil de l'Europe, dont la Russie, courant ainsi jusqu'au Pacifique, qui a créé la Cour européenne des Droits de l'Homme, veillant au respect des droits de 800 millions d’Européens, dans les 47 États membres du Conseil de l’Europe qui ont ratifié la Convention européenne des droits de l’homme ?


http://www.coe.int/aboutcoe/index.asp?page=47pays1europe&l=fr

S'agit-il de l'Union européenne stricto sensu et ses 27 États-membres (bientôt 28, avec la Croatie ) ?


http://europa.eu/about-eu/27-member-countries/index_fr.htm

S'agit-il de l'Europe de l'Union économique et monétaire, celle de l'Union européenne débordant les 27 États-membres et incluant d'autres États usagers de l'euro (tels que le Kosovo, le Monténégro ou... le Vatican) ?


http://fr.wikipedia.org/wiki/Union_%C3%A9conomique_et_mon%C3%A9taire

Tenons-nous en là ! L'Europe, multidimensionnée, est un puzzle complexe où se disputent des intérêts nationaux. Nous sommes loin de l'Europe fédérale proposée par Joschka Fischer, en 2000. Plus encore de l'Europe de l'Atlantique à l'Oural de Charles de Gaulle ! Ne parlons pas de l’Europe sociale, limitée par la volonté des États de rester maître de leur politique en matière de droit du travail et de fiscalité. Quant à l'Europe des États-nations de Jacques Delors, ce n'est plus qu'un syndicat de gouvernements !

L'Europe politique reste à faire ou à défaire. Ce ne saurait être l'Europe des marchés et des marchands, ce que, pour des raisons différentes, les chefs de gouvernement français et allemand ne sont pas prêts à comprendre, enfermés qu'ils sont dans la défense des intérêts économiques et électoraux qui sont les leurs.



lundi 15 août 2011

La jeunesse n'a pas d'avenir !

Ou plutôt, notre société n'est pas, actuellement, en mesure de lui en proposer un.

Les dramatiques émeutes qui viennent de secouer le Royaune-Uni auraient dû déclencher une large réflexion sur les causes de cette débauche de violence et ouvrir des débats concernant la société dans laquelle nous voulons vivre demain.

Il n'en est rien !

Les politiciens qui dirigent nos nations – David Cameron en Grande-Bretagne, Nicolas Sarkozy en France, et d'autres en Europe et dans le reste du monde convaincus de la justesse de leur dogme, de la validité de leur modèle politico-économique (le néo-libéralisme) – et otages consentants d'une oligarchie financière dont ils profitent, sans scrupule, et qui leur réclame toujours plus de profits, n'ont de cesse de qualifier les émeutiers de "voyous" outre-manche, de "racailles" il y a peu, chez nous, mais il leur est inconcevable de remettre leur modèle en question.


Il est, en effet, bien connu que, si les riches sont riches, c’est parce qu’ils l’ont mérité. Leur prendre de l’argent devient donc attentatoire à la méritocratie. Cela revient à les pénaliser même si prélever sur les riches tend à corriger les inégalités... Le mérite s’hérite, tout comme les inégalités, d’où la nécessité de redistribuer la richesse. Redistribuer la richesse nationale est, pour les uns, un principe de justice, (puisqu’il s’agit de donner un peu à ceux qui n’ont pas beaucoup), tandis que, pour les autres, c'est un principe d’injustice, (puisqu’il pénalise ceux qui sont méritants), c’est-à-dire les riches.

Pour la gauche, il s’agit de compenser, pour la droite, de récompenser.

Si les pauvres sont pauvres, c'est par leur faute, donc, pas de récompense ! Il faut que chacun se prenne en charge et celui qui ne le peut pas ou ne sait que faire doit, d'une façon ou d'une autre, disparaître. Le gâteau ne saurait être être partagé qu'entre ceux qui l'ont préparé !

Le modèle britannique, initié en son temps par Margaret Tchatcher, montre maintenant ses limites : la fracture sociale entre les riches de la City et les pauvres des quartiers populaires est abyssale. En 1970, 1% des Anglais les plus riches concentraient 4,7% des richesses du pays. En 2000, les mêmes 1% possèdent 10% des richesses ! La jeunesse est particulièrement a été frappée par la politique de Tony Blair puis celle des conservateurs : le taux de chômage, chez les 16-24 ans, est de 20% dans les quartiers populaires, 30%, voire 40% et il a augmenté de 5% en deux ans. De plus, les statistiques constatent que 30% des jeunes sont « inactifs », absents du marché du travail !...

Le RMI anglais (Job Allowance) s’élève à 51 livres par semaine, alors qu’une paire de baskets coûte 80 livres, et, le sachant, on est surpris que les jeunes émeutiers pillent les magasins de sports et de vêtements... Une catégorie est apparue, appelée "l'underclass" (la "sous-classe"), constituée des familles qui ne travaillent plus depuis deux générations et ne survivent que des aides sociales.

En écoutant bien la population, on entend les accusations suivantes : « les autorités nous abandonnent », « triplent les frais de scolarité », « diminuent les allocations », veulent « expulser les parents dont les enfants ont participé aux émeutes », « jugent les émeutiers à la chaîne sans réfléchir aux causes », tout en sauvant « les banquiers qui nous ont volés »...

Non, M. Cameron, cette situation n'est pas de la faute des pauvres. Elle est de votre responsabilité car elle s'est aggravée depuis votre élection comme premier ministre.

Simple question à MM. Cameron et Sarkozy : qu 'auriez-vous pensé de vos parents s'ils vous avaient laissé une dette colossale que vous auriez mis des décennies à rembourser, sans en avoir eu la jouissance ?

Des dettes en naissant, pas de travail, pas d’espoir, et un état de violence permanente due aux conditions d’existence d’une fraction importante du prolétariat, d’origine étrangère ou pas. Dans l'Europe entière, tout prépare à ces émeutes qui ne sont, comme nos émeutes françaises de 2005 et 2007, que l’expression désespérée d’une situation désespérante même si, bien entendu, ces violences ne peuvent déboucher sur des perspectives politiques positives. Saccager n'est pas protester et elles font malheureusement le lit de l'extrême-droite où une fraction des classes populaires risque de se jeter.

La réponse du gouvernement anglais ne surprendra personne, c'est la démonstration autoritaire de l'incompétence notoire à prendre en compte les problèmes de la société contemporaine et les crises qui se succèdent et superposent.

Comme pour la Chine, avec Google, une des réponses du gouvernement Cameron serait de fermer les réseaux sociaux comme Twitter ou Facebook. On applaudit quand ces réseaux servent la révolution tunisienne ou égyptienne, mais on voudrait les rendre muets quand ils « dé-servent » les intérêts des oligarchies occidentales. On revient au moyen âge avec la politique du pilori – la politique de peur et de domination – en remettant en service la stratégie « nommer et faire honte » et en appelant à la délation les braves bourgeois apeurés.

Comme en France, hier, on ne parle plus que de sanctions, en faisant appel au concept de « tolérance zéro », en remplissant les prisons et en faisant appel à un super-flic américain, spécialiste de la lutte contre les gangs qui auraient joué un rôle majeur pendant les émeutes. Le gouvernement a également annoncé que les parents d'adolescents reconnus coupables d'avoir participé aux émeutes verront leurs allocations sociales coupées, et seront expulsés de leur logement social s'ils en habitent un.

On fait appel à la solidarité capitaliste en demandant à la société BlackBerry de mettre à la disposition des autorités les transmissions cryptées des communications et à la BBC de transmettre l'ensemble de rushes de ses prises de vues.

Pendant le même temps, le président de la banque mondiale, M Zoellick, demande à M. Cameron de maintenir, malgré les émeutes, les mesures d'austérité qui sont « vraiment indispensables ».

En faisant tout cela, David Cameron pense qu'en cassant les casseurs, il parviendra à stopper la violence. C'est possible, mais le feu couve, il se s'éteindra pas, il risque même de s'étendre à l'ensemble de la planète.

Il faut, en effet, être attentif à ce qui se passe aujourd'hui, à Londres, à Madrid, à Athènes, à Tel-Aviv, en Tunisie, en Lybie, en Egypte, en Syrie, au Chili, et ailleurs … Une même colère monte, alimentée par les crises économique, financière, écologique et par les injustices sociales, mais aussi par une dramatique impuissance de la classe politique accompagnée d'une irresponsabilité révoltante et d'une arrogance criminelle.


La politique de l'autruche nous cache les évidences

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux