samedi 27 décembre 2014

Le leurre de la croissance


Depuis des années, les gouvernements successifs ont promis aux Français l'inversion de la courbe du chômage. Pourtant, en novembre 2014, 27 400 nouveaux demandeurs d'emploi se sont ajoutés aux listes de Pôle Emploi. Le nombre total de chômeurs de catégorie A1 est, à ce jour, de 3 488 300, soit près de 10 % de la population salariée avec, pour conséquence, une modification sensible de la structure de l'emploi avec, notamment, une augmentation spectaculaire des contrats à durée déterminée (CDD)2.

Nos dirigeants s'entêtent à vouloir nous faire croire que seule la croissance économique nous sortira de la spirale descendante et nous permettra de faire baisser le chômage.

Il est temps, comme le propose Serge Latouche de « renverser nos manières de pensée »3. Qu'est-ce que cette croissance, jugée un temps nécessaire, et qui disparaîtrait, comme par malchance, entraînant nos sociétés dans une régression estimée inévitable ? Entre l'austérité sans croissance et « la prospérité sans croissance »4, il faut choisir. La mutation ne pourra s'opérer sans une rupture car plusieurs analyses prouvent que le mythe de la croissance n'est qu'une affabulation.

La Loi d'Okun5, à laquelle se réfèrent les économistes, établit une relation entre le taux de croissance (calculé d'après le PIB) et la variation du taux de chômage. Elle énonce qu'il faut une croissance supérieure à 3%, en moyenne, pour faire baisser le chômage. Dans notre pays, compte tenu des hausses de productivité, de la démographie et de la baisse de la durée du travail, il faudrait que la croissance du PIB soit supérieure à 1,9% pour que la courbe du chômage s'inverse de manière durable. On est loin de cette progression ... Le chômage est donc chronique et l'utopie du plein emploi a bel et bien vécu.

Les thuriféraires du capitalisme, inventeurs de la « crise économique », ne veulent surtout pas du retour de la croissance dont ils n'ont que faire pour maintenir et augmenter les profits. Le niveau zéro de la croissance économique, qui engendre un profond pessimisme, une désespérance en l'avenir et une paralysie revendicative, permet d'asseoir la domination des puissances d'argent sur l'ensemble de la société.

L'argument de la crise sans fin sert d'alibi pour :
  • faire pression sur les salaires,
  • assécher les caisses d'assurances chômage, de la sécurité sociale et de l'assurance vieillesse pour les remplacer par des institutions privées génératrices de profits,
  • détricoter les accords salariaux avec l'assentiment des gouvernants, (la future loi « Macron » en est l'exemple le plus caricatural, avec le retour sur les 35 heures, les attaques contre la justice prud’homale, l'affaiblissement des syndicats, etc …)
  • remplacer la main d'œuvre humaine par des systèmes automatisés et des robots, (un robot ne se plaint jamais, travaille 24 h sur 24, ne prend jamais de vacances, n'attend pas d'enfants, ne tombe pas malade et ne fait jamais grève).
  • faire croire, grâce à la servilité des médias qui appartiennent aux détenteurs du capital, qu'il n'y a pas d'alternatives.

L'absence de croissance est donc devenu le plus sûr moyen, pour l’oligarchie dominante, de continuer à s'enrichir sans scrupule et de manière éhontée, à engendrer un nouveau prolétariat et à creuser un abîme entre les classes. Car il s'agit bien, comme l'a dit Warren Buffet6 dans une interview, d’une lutte des classes en précisant : « c’est ma classe, les riches, qui a déclaré cette guerre et c’est elle qui est en train de la remporter » !

Warren Buffet est bien présomptueux et trop sûr de son fait, car si sa classe est actuellement dominatrice, nous ne sommes pas, contrairement à l'affirmation de Francis Fukuyama, à la fin de l'histoire, si tant est qu'il y ait une fin à l'histoire !

Comme toujours, au cours de cette histoire humaine, il est probable que le vent tournera. On ne peut acculer continuellement l'homme à la désespérance sans qu'il réagisse. Malheureusement, la révolution, car s'en est une, peut se produire de manière très violente, et les souffrances n'atteindront pas que les responsables de ce désastre économique et humain.

1  Les différentes catégories selon l'INSEE - http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/categor-demandes-emploi-anpe.htm
http://www.latribune.fr/actualites/economie/france/20140724trib000841494/76-le-nombre-d-embauches-en-cdd-a-explose-entre-2000-et-2012.html
3  Serge Latouche, Renverser nos manières de penser, métanoïa pour le temps présent, Mille et une Nuits, 2014.
Tim Jackson, Prospérité sans croissance, La transition vers une économie durable,Bruxelles, De Boeck, 2010.
http://www.andlil.com/la-loi-dokun-6078.html
En 2012, il est considéré comme le quatrième individu le plus riche du monde.

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux

mercredi 24 décembre 2014

Droits de l'homme, droits humains ou droits des humains ?


L'invocation du droit est devenu une incantation.
Les défenseurs des droits de l'homme s'y réfèrent constamment.
Malheureusement les mots lancés, qu'ils soient écrits ou criés, cèdent devant les faits.
Sous nos yeux, la discrimination s'étend et s'étale au rythme de la richesse croissante.

Moins de pauvreté statistique ne peut freiner l'augmentation de la misère.
L'écart entre les plus riches et les plus pauvres est devenu abyssal.
Toujours plus d'humains sur terre exigerait toujours plus de partage.
Mais il n'en est rien et c'est la cause première de l'extension de la violence.

Les Droits de l'Homme ne sont nulle part prioritaires.
Les États font reposer leur légitimité sur la force.
L'élitocratie, la ploutocratie, l'oligarchie occupent la République.
La res publica, la « chose publique » passe, désormais, sous le joug du privé.

Il ne suffit pas de changer des lois pour constituer un État de droit.
Le droit peut être « la raison du plus fort » comme le dit la fable de La Fontaine.
Le droit sans droiture, sans vertu, devient alors la justification des puissants.
Le droit, s'il n'est que l'affaire de juristes, s'éloigne de la justice.

Une loi n'est pas bonne parce que c'est la loi.
L'accumulation de lois vaines et vite abolies détourne du droit.
L'unique droit qu'on peut aimer est celui qui résulte du débat citoyen.
La fraternité, qui n'est pas un droit, peut seule cimenter les droits véritables.

Aujourd'hui, le droit est non ce qui libère mais ce qui oblige, il a perdu son sens.
Le droit est devenu la forme donnée à un ordre haïssable.
C'est pourquoi le droit ne suffit plus : il est la lettre qu'a déserté l'esprit.
Il est « l'organisation des pouvoirs publics » au lieu d'être la charte de l'en commun.

Dans « l'Ancien Régime », le droit dépendait du pouvoir divin du Roi.
Le Prince avait droit de vie et de mort sur ses sujets.
Nous avions cru échapper à cet ordre fatal par des révolutions populaires.
Le retour de monarques, escortés de leur cohorte de valets, s'est effectué en douceur.

Il nous faut cesser de prendre le moyen pour la fin !
Aucun droit républicain ou religieux n'a de caractère absolu.
S'en remettre à un droit n'assure plus la paix civile.
Imposer l'ordre par la loi transforme les hommes en esclaves.

Si les droits de l'homme ne sont pas les droits des humains, ils sont vains.
Le droit n'est que la forme de la règle et pas la règle elle-même.
Le droit est plus qu'un texte : c'est une entente et un accord qui engagent.
C'est la quête d'une vérité impossible à figer.


Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

lundi 15 décembre 2014

N'élisons plus le Président de la République au suffrage universel


« Personne ne proposera la suppression de la fonction de Président de la République ou tout au moins sa dépossession de tout pouvoir hors celui de représentation. Seule une crise nous l'imposera... »
Thomas Legrand (éditorialiste à France-Inter)
Les portraits officiels des présidents de la Vème République
 
Élire le Président de la République au suffrage universel direct est devenu une addiction politique. Les citoyens, actuellement, ne sauraient s'en priver. C'est le scrutin le plus fréquenté, le plus structurant, le plus déterminant : la concentration du pouvoir entre les mains du Chef de l'État est la caractéristique principale du régime néo-monarchiste qui s'est imposé en France depuis 1965.

Charles De Gaulle a voulu, dès 1946, en le revendiquant au cours de son célèbre discours de Bayeux, que l'exécutif domine le législatif de façon totale et irréversible. Après sa traversée du désert et son repli à Colombey-les-Deux-Églises, une fois revenu au pouvoir en 1958, il a préparé méthodiquement l'institutionnalisation de sa légitimité.

Car il n'a jamais été douteux, pour « le Général », qu'il avait, par deux fois, sauvé la France (en 1944, avec les Alliés, au terme de la seconde guerre mondiale, en 1962, en mettant fin à la guerre d'Algérie). Le référendum modifiant la Constitution de 1958 n'a donc pas tardé : dès lors, le Président de la République française serait élu au suffrage universel. Élu pour sept ans en 1958, par le Parlement, De Gaulle pensait être élu facilement par tous les Français, en 1965, mais le résultat, limitant son succès à 55% des suffrages exprimés, avait constitué le premier avertissement sur le risque de voir le régime gaulliste, incapable de se maintenir au niveau escompté, se banaliser puis se pervertir.

On a trop oublié que Charles De Gaulle n'est pas allé au bout de son mandat (1965-1972) et a démissionné, en 1969, après son premier et unique échec électoral référendaire. Il a, ainsi, sauvé son image historique en respectant sa propre conception du pouvoir fondé sur un accord direct entre le peuple et le Chef de l'État. Les successeurs du Général-Président n'ont pas eu la même pudeur, la même interprétation de la Constitution et n'ont pas quitté l'Élysée quand ils ont été désavoué par les citoyens français. François Mitterrand a même inventé « la cohabitation » en (1986-1988 et 1993-1995) et Jacques Chirac l'a suivi (1997-2002).

Le raccourcissement de la durée du mandat, passée du sept à cinq ans, n'a pas simplifié la vie politique française. Ce qui est en cause (mettre un terme, enfin, à l'exception gaullienne) n'a pu s'effectuer et, contrairement à ce qu'est l'organisation des pouvoirs publics dans la totalité des démocraties européennes, la Constitution de 1958, mainte fois modifiée mais jamais sur l'essentiel, continue de priver le Parlement de son rôle principal : désigner ceux qui gouvernent et contrôler la politique mise en œuvre par l'exécutif. L'autorité du Gouvernement français non seulement n'y gagne rien mais, après les désastreux mandats de Sarkozy et de Hollande, elle s'est affaissée, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de notre pays. La 5ème République a trouvé ses limites.

Comment mettre fin à ce qui obstinément perdure ? Comment imposer aux partis, (au-dessus desquels De gaulle prétendait se situer ?) de cesser de monopoliser la représentation nationale au point d'enfermer le pays dans un bipartisme ou des coalitions éphémères (dominées, à droite, par l'UNR, devenue RPR, devenu UMP, à droite ou par le Parti socialiste, à gauche) ? À ce jeu politique pervers, il n'est que des perdants. Le mode de scrutin uninominal à deux tours, une spécialité électorale hexagonale, a installé un dualisme qui personnalise la politique. L'élection présidentielle concentre tous les travers de ce système électoral où le choix d'une vedette passe avant le choix d'une politique.

De Gaulle incarnait, lui, une politique, critiquable, à bien des égards très dangereuse (en particulier sur le plan du nucléaire civil et molitaire), mais il dirigeait la France selon ses idées, qu'il ne dissimulait pas. Plus besoin, aujourd'hui, de députés-godillots pour marcher sur les pas et au pas du Chef de l'État : la concommittence de l'élection présidentielle et des élections législatives, qui se suivent de peu, fait dépendre la majorité parlementaire de la majorité présidentielle. De godillots qu'ils étaient, voici les Parlementaires devenus de simples exécutants dont l'initiative se réduit à accompagner, si possible intelligemment, la volonté d'un Gouvernement lui-même soumis au Président. Ce que peuvent les Parlements des États partenaires européens, nos voisins, le Parlement français ne le peut pas. La forte et stable Chancelière allemande, élue par le Parlement de son pays à la tête de coalitions, n'est pas sous les ordres du Président et n'est pas issue d'une majorité électorale binaire. Elle n'en gouverne pas moins, et avec quelle autorité !

Le pire, dans nos institutions (et il aura fallu bien du temps avant de le reconnaître!), est que le second tour de l'élection présidentielle se limite à deux candidats, ceux qui sont parvenus en tête au premier tour ! On pourrait imaginer que, pour garantir à l'élu une solide majorité, on accepte, par exemple, que seuls puissent être candidats les trois ou (très rarement) les quatre candidats ayant atteint un score supérieur à 18% des votants. On pourrait aussi envisager que tel candidat arrivé en seconde position (voire en première!) se retire au profit d'un candidat placé en troisième position. Dans ces hypothèses, Lionel Jospin eut pu être élu en 2002. Que, par suite du délitement de la société politique, soit survenue l'obligation légale d'opposer Jean-Marie Le Pen au seul Jacques Chirac (dans ces conditions élu, en dépit de son score calamiteux!) aura marqué la fin d'une modalité de scrutin qui a fait son temps mais qu'on ne sait encore comment l'abandonner.

Saurons-nous, d'ici 2017, rectifier une règle du jeu électoral non seulement faussée mais, à présent, périlleuse pour la démocratie elle-même ? Les concepts totalement intégrés à notre pensée ( et inscrits sous les mots « droite » et « gauche » ou « démocratie républicaine ») ont beaucoup souffert et menacent de perdre encore de leur substance résiduelle s'ils ne sont bientôt profondément rénovés.

Le Président de la République n'a plus, aujourd'hui, ni l'aura ni la légitimité autre que celles qu'imposent les institutions. Elles-mêmes sont devenues fragiles dans un contexte européen qui allie le meilleur, (le nécessaire élargissement de la sphère de responsabilité débordant les États-nations,) et le pire, (la domination du politique par l'économique). Pour sortir de l'impasse de la présidentialisation, il est plusieurs voies mais aucune n'est sans danger.

La première est celle de la continuation et de l'élargissement de la grêve des urnes que manifeste une abstention battant déjà tous les records (et son extension probable à l'élection présidentielle). Un tel rejet citoyen ne peut déboucher que sur une issue imprévisible : soit le désintérêt (et la soumission à l'élitocratie ou l'oligarchie), soit la dictature de l'opinion ( mais orientée par les sondages et médiatisations), soit le refus populaire (s'exprimant par les voies de manifestations, de pétitions ou d'événements massifs inattendus).

La seconde est celle de la réforme institutionnelle par la voie d'une Constituante préparant un texte majeur à soumettre au pays par référendum.

La troisième est celle de l'impasse dans laquelle nous sommes entrés ! L'impuissance et les contradictions des gouvernements successifs, annonçant une politique et en faisant une autre, cherchant désespérément une croissance qui n'est plus au rendez-vous, poussant au travail des citoyens de plus en plus privés d'emploi, additionnant les professions de foi européanistes et nationalistes, recherchant des réformes qui n'en sont pas si ce n'est pour satisfaire les possédants..., tout conduit à l'immobilisme et à l'incapacité de penser autrement. La société politique s'englue et s'avère incapable de faire mieux que de continuer à cheminer dans l'échec.

Il en est de la politique institutionnelle comme de la lutte contre le changement climatique. On sait à présent quelle est la responsabilité humaine. On sait même où agir. Mais on ne sait comment commencer à agir car ce serait remettre en cause des décennies de pratiques industrielles et commerciales qui dominent nos sociétés. La « déprésidentialisation » est, de même, parmi les urgences politiques, une nécessité qu'en France, nous ne savons aborder, car le mythe du sauveur de la nation nous imbibe et nous paralyse. Le mythe présidentiel bouche l'horizon politique. Nous savons où ne pas aller mais sans savoir où aller !

«  Attendons donc l'affrontement et le tumulte » écrit, à la fin de son livre, Thomas Legrand.1 « Écosocialisme ou barbarie » interroge Serge Latouche2 non sans annoncer, à son tour, que « nous nous orientons très probablement vers un chaos incroyable... ». Mieux vaudrait, plus positivement, une prise de conscience collective à laquelle chaque citoyen pourrait travailler, mais nul n'est maître des évolutions complexes en cette période de mutation historique, lente autant que radicale.


1 - Thomas Legrand, Arrêtons d'élire des présidents, Paris, éditions Stock, novembre 2014, p. 130.
2 - Serge Latouche, Renverser nos manières de penser, Paris, éditions Mille-et-une- nuits, novembre 2014, p. 43.
Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

jeudi 11 décembre 2014

« Une autre guerre en Europe ? Pas en notre nom ! »


C'est le titre de l'appel d'un collectif de personnalités allemandes de premier plan, intellectuels, hommes politiques, journaliste, responsables religieux, qui considèrent que l'Europe vit « un moment de grand danger et que l’Allemagne a une responsabilité particulière dans le maintien de la paix ».

En effet, les risques de voir le conflit ukrainien se transformer en un affrontement armé entre les États-Unis, l'Europe et la Russie sont grands.

La démocratie est au point mort, et le fléau nationaliste conséquence d'un manque d'Europe plutôt que d'un patriotisme dévoyé se répand partout. 
 
Le nationalisme russe est lui aussi la conséquence d'une Europe qui n'entend pas laisser une place à la Russie. 
 
Pourtant, cette Europe ne s'arrête pas aux frontières des 28 et la Russie y a une place géographique et historique essentielles. 
 
Politiquement en panne, ni fédérale, ni super étatique, l'Union Européenne est aux mains des puissances économiques et financières, sous domination américaine, elle est condamnée à se refonder ou à disparaître.

Elle ne doit pas être le jouet d'une Amérique qui cherche, avant tout, à préserver sa place de leader économique mondial et à asseoir son impérialisme.

En France, le silence des médias et des hommes politiques sur les risques d'un conflit généralisé est criminel car nous sommes dans une impasse politique, et il n'est pire danger que ceux qui qui ne veulent pas voir.

C'est la raison pour laquelle nous publions, ci-dessous, le texte de ce collectif.


Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux


« Une autre guerre en Europe ? Pas en notre nom ! »

Personne ne veut la guerre. Mais l’Amérique du Nord, l’Union européenne et la Russie se dirigent tout droit vers une guerre si l’on ne met pas fin à la spirale mortelle des menaces et contre-menaces.

Tous les Européens, y compris la Russie, partagent la responsabilité du maintien de la paix et de la sécurité. Seuls ceux qui ne perdent pas de vue cet objectif peuvent éviter de nous engager sur la mauvaise voie. 

Le conflit en Ukraine montre que la soif de pouvoir et de domination sont des problèmes toujours bien réels. En 1990, à la fin de la Guerre froide, nous avions tous espéré le contraire. Mais le succès de la politique de détente et les révolutions pacifiques nous ont rendus imprudents et nous ont endormis.  À l’est comme à l’ouest. Aussi bien les Américains que les Européens et les Russes, ont oublié le principe fondamental de bannir définitivement la guerre des rapports internationaux. Sinon, on ne s’explique pas l’élargissement occidental vers l’Est, menaçant pour la Russie, en l’absence totale d’une collaboration contextuelle plus approfondie avec Moscou ;  ou encore l’annexion de la Crimée par Poutine, contraire au droit international .

Dans un moment de grand danger pour le continent comme celui que nous sommes en train de vivre, l’Allemagne a une responsabilité particulière dans le maintien de la paix.

Sans la volonté de réconciliation du peuple de Russie, sans la clairvoyance d’un Mikhaïl Gorbatchev, sans le soutien de nos alliés occidentaux et l’action prudente du gouvernement fédéral d’alors, nous n’aurions jamais pu surmonter la fracture de l’Europe. Le fait de rendre possible la réunification pacifique de l’Allemagne fut un acte majeur et d’une grande sagesse de la part des puissances sorties vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale. De la fin de cette fracture devait naître un ordre européen durable fait de paix et de sécurité, allant de Vancouver à Vladivostok, comme cela fut établi en novembre 1990 par tous les chefs de gouvernement des 35 États membres de l’OSCE signataires de la « Charte de Paris pour une nouvelle Europe. »

Sur la base des principes convenus ensemble et des premières mesures concrètes mises en œuvre, il fallait construire une « maison européenne commune », dans laquelle chaque État membre pourrait jouir du même niveau de sécurité. Cet objectif fondamental de la politique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu’à aujourd’hui n’a pas été atteint. Les Européens ont encore des raisons d’avoir peur.

Nous, signataires de ce texte, appelons le gouvernement fédéral à agir de façon responsable pour la paix en Europe. Nous avons besoin d’une nouvelle politique de détente en Europe. Celle-ci ne peut exister que sur la base d’une sécurité égale pour tous, et entre partenaires aux droits égaux et au respect réciproque. Le gouvernement allemand serait dans son rôle si compte tenu de la situation de blocage, il lançait un appel au calme et au dialogue avec la Russie. Le besoin de sécurité des Russes est aussi vaste et légitime que celui des Allemands, des Polonais, des Ukrainiens ou des habitants des Pays baltes.

Nous ne pouvons pas chasser la Russie de l’Europe. Ce serait contraire à l’Histoire, irrationnel et dangereux pour la Paix. Jusqu’au congrès de Vienne de 1814, la Russie était reconnue comme une des puissances dirigeante de l’action politique en Europe. Tous ceux qui ont essayé de changer cet état de fait par la violence ont failli et ont généré un immense bain de sang, comme ce fut le cas avec la tentative meurtrière et mégalomane de l’Allemagne d’Hitler qui s’aventura hors de ses frontières pour tenter de soumettre également la Russie à son propre régime.

Nous exhortons tous les députés du Bundestag allemand, en tant que représentants du peuple, à être à la hauteur de la gravité de la situation, et à se faire les gardiens des engagements de Paix du gouvernement fédéral. Ceux qui ne font que construire l’image d’un ennemi, et manipuler les faits en lui attribuant unilatéralement les fautes, exacerbent les tensions à un moment où au contraire devraient prévaloir les signes de détente. Incorporer, intégrer, ne pas exclure, devraient être le leitmotiv des politiques allemands.

Nous en appelons aux médias, afin qu’ils se conforment de façon plus convaincante à leurs obligations de rapporter les faits sans a priori. Les éditorialistes et les commentateurs diabolisent des nations entières, sans donner suffisamment de crédit à leurs récits. N’importe quel journaliste expert en politique étrangère comprendra facilement la crainte des Russes, depuis que fin 2008, les membres de l’OTAN invitent la Géorgie et l’Ukraine à entrer dans l’Alliance atlantique. Il ne s’agit pas de Poutine. Les chefs vont et viennent. Il s’agit de l’Europe. Il s’agit d’ôter aux gens la peur de la guerre. Dans ce contexte, un compte-rendu responsable des faits, basé sur des recherches solides, ne peut qu’être bénéfique.
Le 3 octobre 1990, le jour de l’Unité allemande, le président Richard von Weizsäcker a dit : « La guerre froide est surmontée. Liberté et démocratie ont été rapidement appliquées à tous les États… Désormais ceux-ci peuvent intensifier leurs rapports et les consolider au niveau institutionnel, au point que pour la première fois, pourra se former un ordre commun de vie et de paix… »

C’est ainsi que commence pour les peuples d’Europe un nouveau chapitre de leur histoire. Son but est une union paneuropéenne. C’est un objectif formidable. Nous pouvons l’atteindre, mais nous pouvons aussi le rater. L’alternative qui se présente à nous est claire : unir l’Europe, ou bien retomber dans des conflits nationalistes dans la lignée d’autres exemples historiques douloureux. »

Jusqu’au conflit ukrainien, nous avions cru, en Europe, que nous étions sur la bonne voie. Aujourd’hui, le discours de Richard von Weizsäcker, prononcé voilà un quart de siècle, n’a jamais été plus actuel.

jeudi 27 novembre 2014

Fusillés pour l'exemple, une tache dans l'histoire.


De nombreuses commémorations du centenaire de la Grande Guerre ont eu lieu tout au long de l'année 2014. Pourquoi, d'ailleurs, persister à nommer « Grande Guerre » cette horrible boucherie responsable de la mort de 19 millions de personnes et de plus de 20 millions de blessés ?

On aurait pu, légitimement, s'attendre à ce que la République réhabilite les « fusillés pour l'exemple », d'autant que le Chef de l'Etat s'y était engagé.

Une promesse de plus non tenue.

L'immense majorité de ces poilus, fusillés par leurs pairs, ont été victimes de la justice barbare de l'Etat Major de l'armée française, principalement les généraux Joffre et Nivelle dont on souligne aujourd'hui l'incompétence et qui ont sur la conscience des centaines de milliers de morts et de blessés.

Les bouchers, de cette ignoble boucherie que fut ce conflit, sont ceux là même qu'on a honoré ensuite en les faisant maréchaux.

Peut-on, d'ailleurs, parler de justice tant elle fut expéditive, sans droit de la défense, sans possibilité d'appel et où la sentence devait être exécuté sans délai.
La peine de mort est réglementée par un décret de 1909, il pousse le cynisme jusqu'à préciser les modalités du coup de grâce : « avec un revolver dont le canon est placé juste au-dessus de l'oreille et à 5 centimètres du crâne ».

Mais pour Joffre cela ne suffisait pas et, dès le 10 août 1914, Alexandre Millerand accède à sa demande de supprimer les possibilités d'appel et d'accélérer les exécutions : « pour assurer au fonctionnement de la Justice Militaire qui est une des conditions essentielles de son efficacité ... suspend le recours en révision ... et donnera l'ordre d'exécution dans les 24 heures ».

Il s'agit bien d'un simulacre de justice destinée à faire peser une menace permanente sur la troupe dont plus de 650 poilus en seront les victimes.

Dès la fin de la guerre, des demandes de réhabilitation sont conduites par les familles aidées par des associations, mais, il est toujours difficile de s'attaquer à la "grande muette" et c'est un nouveau et pénible combat que mène ces familles et les associations.
La Ligue des Droits de l'Homme, par son Président de l'époque Ferdinand Buisson, joue un rôle majeur tant l'innocence de ces hommes lui semble le plus souvent évidente.

Pourtant aujourd’hui plus de 650 fusillés n'ont toujours pas recouvré leur honneur, laissant ouverte une plaie qui divise, encore, de nombreuses familles.

Qu'est ce qui empêche de la réhabilitation ?

Est-ce à cause d'une "droite" militariste, amoureuse de la discipline et de son corollaire la répression, respectueuse des jugements militaires même si ceux-ci sont entachés d'iniquité. Le fantôme d'Alfred Dreyfus rode si sous prétexte de raison d'Etat on ne peut pas remettre en cause des jugements injustes.

Pour les uns, les fusillés sont des traîtres qui ont été une menace pour l'intégrité et l'unité de la patrie.

Pour d'autres ils appartiennent à la famille des pacifistes qui s'insurgeaient contre une guerre absurde conduite par une hiérarchie inhumaine et incompétente.

Aujourd'hui, alors que le citoyen a le droit, voire l'obligation de contester les ordres illégitimes ou illégaux, que tous les historiens relèvent l'incompétence crasse, voire la nullité de l'Etat Major de l'époque mettant l'ensemble des combattants dans des conditions inhumaines, plus rien ne s'oppose à la réhabilitation des fusillés pour l'exemple.

Il s'agit seulement d'un acte juridique annulant la peine prononcée et le retour de la mémoire du condamné à sa condition d'avant sa condamnation.

Alors, Mr le Président, faites un petit effort.


Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux

dimanche 16 novembre 2014

En attendant le traité transatlantique.


Le 4 novembre dernier, les électeurs étasuniens ont voté pour renouveler la Chambre des représentants et une partie du Sénat.

Les entreprises françaises ne sont pas restées en dehors de l'élection. Elles ont soutenu en majorité les candidats du parti Républicain, voire même les plus extrêmes d'entre eux en matière de droits des minorités ou d'écologie.

Des entreprises du CAC 40 comme Sanofi, GDF Suez, Lafarge, Vivendi ou Areva1 soutiennent des candidats du tea party (extrême droite) qui nient la réalité du changement climatique, militent pour le créationnisme, l'homophobie et l'expulsion des immigrés et sont contre toutes formes de régulation environnementale.

En arrière plan de ces manoeuvres se cache le futur traité de libre-échange entre l'UE et les USA et le besoin d'empêcher toutes nouvelles législations contraignantes en matière financière, sociale et environnementale.

Depuis 2012, il n'y a plus de barrières au financement des partis politiques et de nombreux systèmes se sont mis en place : sociétés spécialement créées dans ce but, organisations à but non lucratif, associations professionnelles. La Chambre de commerce étasunienne est devenue une véritable machine de guerre financière au service des candidats républicains.

Voici la liste des 20 entreprises françaises les plus actives à Washington en matière de lobbying (dépenses en millions de dollars)
Sanofi : 36,5 - Airbus : 19 - Vivendi : 15 - Renault-Nissan : 11,5 - Arcelor-Mittal : 8 - Alsthom : 7,5 - Alcatel-Lucent : 6 - Safran : 6 - Michelin : 5 - SNCF : 4 - AXA : 4 - Areva : 3,5 - Arkema : 3 - Sodexo : 3 - Pernod-Ricard : 3 - Lafarge : 3 - Air Liquide : 2,5 - GDF Suez : 2 - Thales : 2 - Veolia : 1,5

Ces entreprises, qui pratiquent le lobyying outre-atlantique pour empêcher le vote de lois contraignantes, sont les mêmes qui soutiennent majoritairement les candidats du parti Républicain.

Les entreprises françaises ne sont pas les seules à s'intéresser aux élections américaines, les entreprises britanniques et suisses participent aussi à des hauteurs financières plus importantes encore.

Les orientations de ces entreprises, dont certaines sont majoritairement ou partiellement propriété de l'Etat français, qui encouragent le parti Républicain, ses visions néolibérales et son radicalisme d’extrême droite peuvent inquiéter.

Quelle attitude adopteront-elles demain en France et en Europe ?

Jean-Claude VITRAN et Jean-Pierre DACHEUX

mercredi 29 octobre 2014

Rémi Fraisse, mort pour un barrage !


Rémi Fraisse n'aura pas la légion d'honneur à titre posthume. Il est vrai qu'il n'avait pas, comme un chef d'entreprise récemment disparu, le libéralisme pour religion et qu'il ne pratiquait pas, journellement, le néocolonialisme capitaliste. 
 
Il avait vingt et un ans et il est mort parce qu'il voulait empêcher un barrage de se construire et condamner la vision délirante d'une agriculture productiviste. Il a été tué lors d’une manifestation contre le barrage de Sivens, touché par une grenade offensive lancée par les forces de gendarmerie. Des traces de « TNT », un explosif utilisé dans les grenades des gendarmes, ont été retrouvées sur ses vêtements.

Plusieurs alertes, qui n’ont pas été prises en compte, avaient été déclenchées. L'ex-ministre Cécile Duflot, avait, en vain, la semaine dernière, alerté le préfet du Tarn sur les dérapages des gendarmes. Déjà, le 7 octobre, une militante de 25 ans avait été grièvement blessée à la main, sur la zone du Barrage, après avoir été touchée par une grenade jetée par un gendarme dans la caravane où elle s’était réfugiée avec trois autres militants.

Le colonel, chargé de la communication de la gendarmerie nationale a, cyniquement, qualifié la mort du jeune homme d'« accident » ajoutant « Ça fait cinquante ans que les grenades offensives sont couramment utilisées en maintien de l’ordre … Il y a déjà eu des blessés lors de manifestations violentes, avec des mutilations aux doigts de personnes qui avaient essayé de les relancer, mais jamais aucun cas létal ».

Le projet de barrage se situe, le long de la forêt de Sivens, dans le Nord-Ouest du Tarn sur la partie sauvage et préservée de la rivière Tescou.

Les contestataires du projet affirment que le processus d’élaboration du projet est un déni de démocratie : pas de concertation avec les associations de protection de l’environnement et des milieux aquatiques, avis défavorables cachés durant l’enquête publique, refus du Conseil Général du Tarn et de la Préfecture de débattre en public, de répondre aux questions et de suivre les avis des scientifiques, des experts nationaux, de la Commission d’enquêtes publiques, de la Fédération de Pêche et des milieux aquatiques, des services de l’État chargés de l’eau (ONEMA)… En dernier lieu, des experts mandatés par le ministère de l'écologie estiment que le projet est surdimensionné et ne répond pas aux besoins réels du territoire.

C'est un gouffre financier de 8 400 000 € ouvert uniquement sur les fonds publics, avec un coût de fonctionnement de l’ordre de 360 000 €/an, pendant 20 ans. 
 
Cela pour, seulement, une vingtaine d'exploitations irriguées, laissant 95 % du coût de fonctionnement à la charge des contribuables. Il serait peut-être intéressant de connaître l'identité des propriétaires des terrains en contact avec la retenue d'eau.

Les dirigeants dits de gauche comme ceux de droite partagent, à l'heure de la transition énergétique, la même vision archaïque de l’aménagement du territoire par grands projets : du stade de Lille à celui de Bordeaux, en passant par celui de Lyon, de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes au tunnel ferroviaire du Lyon-Turin.

Le 6 septembre, dans un discours lors d'une manifestation à Saint-Jean-d'Illac (Gironde), face à un parterre d'agriculteurs, Manuel Valls, avait annoncé la couleur, affirmant, avec le ton autoritaire qui lui est coutumier, qu'il ne céderait pas aux opposants : « Nous avons tenu bon à Sivens », dévoilant, par ces propos, que le gouvernement s'était vendu aux lobbies agricoles les plus productivistes de la FNSEA et du syndicat des Jeunes Agriculteurs.

Nombre de parlementaires pensent que les zadistes1 sont des casseurs. Cela démontre, une nouvelle fois, le fossé qui se creuse entre les citoyens et leurs représentants au Parlement. À Notre-Dame-des-Landes, comme au barrage de Sivens, les zadistes se contentent pas, seulement, de contester les grands projets d’équipement.

Ils représentent aussi des mouvements alternatifs, des expériences de propriété collective, de démocratie directe, d’autogestion..., ils veulent faire éclore un autre monde, des rapports sociaux plus égalitaires … Et, même si des militants extrémistes très minoritaires, pratiquant parfois des techniques de combats de rue, s'y retrouvent, leur culture commune est celle de la désobéissance civile et de l’action directe, la critique du matérialisme dominant, et de l’individualisme. 
 
1  ... de ZAD (acronyme de "Zone à Défendre", détournement de " Zone d'Aménagement Différé")

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux

jeudi 2 octobre 2014

C'est toujours les mêmes qui casquent


à commencer aujourd'hui par les familles

Pour réduire le trou de la sécurité sociale, le gouvernement, dit socialiste, a annoncé de nombreuses mesures concernant la politique familiale : division par trois de la prime de naissance à compter du deuxième enfant et une nouvelle répartition du congé parental, baisse des aides à la garde d'enfant, réduction de la majoration pour l'âge et économie sur la santé.

Dans le même temps, la Cour des Comptes, dirigée par un socialiste, Didier Migaud, dans un rapport accablant dénonce la fraude patronale qui avoisinerait les 24 milliards d'euros en 2013 alors que le déficit global de la sécurité sociale n'est que de 16 milliards.

Oui, vous avez bien lu !

Le patronat abuse de la sous-traitance en cascade, de faux statuts de travailleurs indépendants, du travail au noir, de financements occultes, du statut de travailleurs européens ( 7500 en 2000 et 210 000 en 2013 ), en un mot il se comporte comme un réseau de malfaiteurs mais s'il payait normalement son dû : la sécurité sociale serait excédentaire de 6 milliards d'euros.

De plus, la Cour des Comptes avoue que par insuffisance de moyens, elle n'a pas la possibilité de contrôler tous les secteurs d'activité.

Pour ajouter à l'iniquité, le taux de recouvrement de la fraude patronale est de 1,5 %, à comparer à celui de la fraude aux prestations familiales, dénoncée avec vigueur par la droite et par des moralistes de gauche, qui est récupérée à 90 %.

Il faut ajouter à ces malhonnêtetés la fraude fiscale qui représente plus de 50 milliards d'euros.

Des chiffres qui donnent le vertige aux salariés pauvres qui perçoivent un smic que le patronat veut encore réduire.

Pour terminer, un petit détour par le site de la sécurité sociale sur le web, où l'on peut y lire :
« Nous avons deux missions principales :
  • aider les familles dans leur vie quotidienne,
  • développer la solidarité envers les personnes vulnérables.
Nos valeurs sont : l'équité, la solidarité, la neutralité ».

Vous avez bien compris, les mesures sont à sens unique, le gouvernement, dit socialiste, n'a pas envisagé des mesures drastiques pour faire payer au patronat ce qu'il doit.

On croit rêver, n'est-ce pas ? Alors pourquoi gardons-nous le silence et ne réagissons-nous pas ?



Jean-Claude VITRAN et Jean-Pierre DACHEUX

jeudi 11 septembre 2014

Climat, qu'est ce qu'on attend pour agir ?


Le GIEC vient de transmettre à Ségolène Royal, ministre de l'écologie, un rapport très pessimiste sur l'évolution du climat dans notre pays.

Chacun d'entre nous a pu le constater, depuis quelques années, particulièrement en 2014, le temps se modifie, et malgré les prévisionnistes qui tentent de nous rassurer en affirmant qu'une mauvaise année ne fait pas le changement climatique, nous sentons bien qu'il y a quelque chose de déréglé dans la mécanique climatique terrestre. Dans notre pays : tempêtes à répétition en début d'année, humidité importante et déficit d’ensoleillement durant l'été, etc …, et des catastrophes climatiques majeures dans de nombreuses autres régions du monde.

Mais, « l'opinion publique et les politiques ne s'intéressent qu'au temps du mois prochain », c'est Claude-Marie Vadrot qui l’affirme dans un article paru sur le site Médiapart, et il ajoute : « les hommes politiques se foutent du réchauffement climatique et de ses conséquences ».

Nous partageons tout à fait son point de vue car, seulement soucieux du présent, de leur réélection à court terme, les décideurs tentent, sans beaucoup de succès, de gérer les affaires courantes sans s'intéresser à l'avenir.

Pire, si l'on en croit, Naomi Klein, dans un livre qui fait froid dans le dos - La stratégie du choc, la montée d'un capitalisme du désastre1 - le néolibéralisme exploite avec cynisme, et sans aucun état d'âme, les catastrophes mondiales pour faire des affaires extrêmement juteuses. Toutes les multinationales ont des équipes prêtes à partir, dans les délais les plus brefs suivant un désastre, pour apporter leur technologie, mais surtout faire du business car ce n'est pas la solidarité qui est la priorité de ces monstres industriels et financiers.

Les exemples sont nombreux : de la reconstruction de la Nouvelle Orléans, aux USA, où on a profité du cataclysme pour modifier complètement l'environnement social de la ville en reléguant le plus loin possible la pauvreté et la misère, aux compagnies pétrolières satisfaites de la fonte des glaciers du pôle nord qui leur ouvrent une nouvelle voie maritime plus économique parce que plus courte de 15 000 km. De plus, il faut savoir que dans les années de reconstruction, les catastrophes ont un impact positif important sur le PIB des nations qui en sont victimes.

Ces douloureux constats expliquent, certainement, la désaffection des dirigeants pour la chose écologique. En effet, l'écologie n'est pas soluble dans le capitalisme. Il existe une incompatibilité entre avoir « le nez dans le guidon de la croissance », pour satisfaire les lobbies ou le MEDEF et la prise en compte de la dégradation de la planète bleue.

Cependant, il est stupéfiant que l'opinion publique ne réagisse pas à l'apathie des responsables politiques qui mènent l'humanité tout droit au suicide collectif. Nous ne pouvons pas laisser cet insupportable et effrayant héritage à nos enfants.

Qu'attendons nous pour les forcer à infléchir les politiques industrielles ?

Nous devons réagir maintenant !


Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre dacheux




1 La stratégie du choc, la montée d'un capitalisme du désastre – Naomi Klein – Editions Babel

mercredi 10 septembre 2014

Mouvement des Phobiques Administratifs.


Celle là, on ne nous l'avait jamais fait !

Oublier de payer ses impôts et même son loyer parce que l'on est atteint de phobie administrative, c'est très fort.

Un ministre de l'ancien gouvernement a qualifié le malade de « crétin ». Son diagnostic est faux, il s'agit d'un voyou, d'une crapule doublé d'un cynique. Pour se « foutre du monde » à ce point, il faut un aplomb impensable et une dose incroyable de cynisme.

Nous avons encore de la chance, s'il était resté au Gouvernement, que n'aurait-il pas imaginé ?

Il est fou que notre société puisse accoucher de pareilles vilenies qui détournent les citoyens des urnes et les conduisent vers les extrêmes. Ils sont en droit de se demander si les brigands ne se sont pas recyclés et ont infiltré la classe politique.

Enfin à toute chose malheur est bon. Nous vous proposons de venir nous rejoindre au sein du Mouvement des Phobiques Administratifs que nous allons prochainement créer.

Nous pourrons ainsi nous abstenir de payer nos impôts. Compte tenu de la politique actuelle, nous aurions vraiment des raisons de le faire.


Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre dacheux

mardi 2 septembre 2014

Crise de régime et rupture de civilisation ?


Le 25 août 2014 restera marqué par la rencontre de deux crises : d'une part, une crise politique et institutionnelle, et d'autre part, la crise, ou plutôt la fin du socialisme.

Crise de régime :
L'équipe Valls I a démissionné et un nouveau gouvernement Valls II a été désigné. Enfin, le terme de gouvernement peut-il, d'ailleurs, s'appliquer à celui-ci ?
Il s'agit plutôt d'un commando de mercenaires, muets par contrat, dirigé par un factotum aux ordres du monarque. On le savait depuis longtemps, mais la cinquième république, véritable monarchie, a fait son temps. On ne gouverne pas un pays comme la France avec un Chef d'Etat, aux ordres de qui, le personnel de son clan est étroitement soumis, comme dans les républiques populaires qui n'ont de démocratiques que le nom.

Rupture de civilisation :
Comment peut-on encore s'affirmer de gauche et socialiste quand le choix n'est plus qu'entre le social – libéralisme et le social – productivisme ?
Nous l'avions pressenti depuis longtemps, nous en avons, maintenant, confirmation, Manuel Valls incarne la trahison du socialisme traditionnel et il sonne la fin des derniers espoirs populaires. La volonté du pouvoir est désormais clairement capitaliste.

En désignant un nouveau gouvernement, enfin ! en replâtrant l'ancien, François Hollande n'a sauvé que les apparences et, comme dans tous les séismes importants, les répliques risquent d'être sévères.

Car il n'y a plus de place, dans notre pays, pour les petits et les modestes qui doivent suivre sans regimber et subir. F. Hollande peut tenter d'emprunter cette voie, et de s'y tenir pendant un temps, mais on n'a jamais vu « le peuple des pauvres » rester indéfiniment silencieux. A moins que de trahison en trahison, le Chef de l'Etat, aidé par E. Valls, devienne non seulement ouvertement libéral, mais qu'il durcisse encore sa politique - il en a les moyens policiers - en glissant vers une dictature ouverte.

Déjà les députés sont sous le coup d'une menace qui n'est pas « moi ou le chaos » mais « moi ou la dissolution ». Alors, pour garder leur siège de députés, les « frondeurs » se tiendront-ils à carreaux en votant la confiance au gouvernement ?
Et si les députés de la droite UMP, UDI, … volaient au secours du Président, par soi-disant patriotisme, en fait pour lui permettre de faire la politique économique impopulaire qu'ils craignent de faire eux-mêmes ?

Aujourd'hui, tout devient possible : la droite hollandaise rejoint la droite classique.

Ça passe ou ça casse. Ça va casser !


Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux



vendredi 15 août 2014

Toute société a la presse qu'elle mérite.


En relisant les cahiers Léon Blum, nous avons retrouvé le texte1 que nous reproduisons ci-dessous.

Écrit en 1928, son auteur fait le procès de la presse de l'époque et au delà, celui du capitalisme.

Nous sommes navrés de devoir admettre que malgré toute la bonne volonté de nombreux citoyens et de « courageux » hommes politiques, il faut bien constater notre impuissance à changer le système économico-politique en place. Aussi, depuis 18302, sont écrits les mêmes articles ressassant les mêmes rengaines.

Pire, malgré les nombreuses dénonciations3 de ses perversités, le capitalisme, décortiqué par Karl Marx dès le XIXe siècle, survit toujours et, à échelle planétaire, il s'est renforcé, de plus en plus injuste et inégalitaire.

Rappelons-nous toujours ce qu'a avoué Warren Buffet, milliardaire américain, 1ère fortune des États-Unis : "Il y a une guerre des classes, c'est un fait, mais c'est ma classe, la classe des riches qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la gagner."4

Nous sommes obligés de constater que les faits lui donnent raison, même si nous sommes certains que sa « classe n'a gagné qu'une bataille » et ne peut l'emporter in fine.

La course folle au profit ruine la planète. L'exploitation des plus pauvres se banalise sans vergogne. La domination autoritaire de nombreux peuples est de plus en plus violente. Le nombre de conflits armés, faisant de très nombreuses victimes civiles et jetant des milliers de réfugiés sur les routes de l'exil, ne cesse d'augmenter menaçant gravement la paix mondiale.

Comme en 1928, lorsque Léon Blum écrivit ce texte qui n'a pas pris une ride, de mauvaises ondes parcourent le monde.

Il est urgent de s'unir, au delà de nos différences, pour travailler à la paix et construire une société plus juste

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux

La presse et la paix.
Toute société a la presse qu'elle mérite.

Le Populaire, 13 mars 1928

L'état actuel de la presse est lié à tout le système social. Sa vénalité a commencé avec le régime de la grande industrie et du capitalisme concentré. M. d'Ormesson5 souffrira-t-il que je le renvoie à une pièce très puissante, ou même très belles par parties : les Effrontés, d'Emile Augier ? La presse a perdu son indépendance du moment où les « classes dirigeantes » ont mis la main sur elle, du moment où la création des journaux a exigé de grands capitaux, et où les recettes de publicité occulte sont devenues un élément nécessaire de leur budget.
Il en est ainsi depuis bientôt un siècle, et le duel d'Armand Carrel et d'Emille de Girardin fut, à bien des égards, un événement symbolique. Aujourd’hui c'est pis encore. La presse est devenue elle-même une grande industrie concentrée, gérée par des trusts qui exploitent, en même temps que les journaux, des imprimeries, des agences de publicité, des fabriques de papier, des forêts.
Les journaux ne sont entre leurs mains qu'un procédé, direct ou indirect, de profit et de spéculation. Et c'est sur eux que compte M. d'Ormesson pour assurer l'impartialité et l'indépendance de l'information internationale ! C'est sur eux qu'il compte pour travailler à la paix quand le capitalisme est par lui-même un danger permanent de guerre.
Non, toute société a la presse qu'elle mérite, la presse qu'elle engendre. La presse se sera honnête et probe, elle ne deviendra un instrument d'intelligence et de rapprochement entre les peuples, que le jour où elle sera soustraite à la domination du capitalisme ; et ce jour sonnera pour elle en même temps que pour tous les autres modes de la pensée et du travail humain.

Léon Blum
1  Cahier Léon Blum N°31 - page 62 – Editeur Société des Amis de Léon Blum
2  Date du Duel entre Armand Carrel et Emile de Girardin tous deux propriétaire de journaux. Carrel fut tué dans le duel, il reprochait à Girardin d'utiliser la publicité pour financer son journal.
3  Karl Marx a écrit et fait paraître « Le Capital » en 1867.
4  Propos tenu sur la chaîne de télévision CNN en 2005.
5   Wladimir Le Fèvre d'Ormesson est un écrivain, journaliste et diplomate français, qui exerça notamment au Vatican, mais aussi en Argentine et au Chili. Il fut également président de l'ORTF et membre de l'Académie française. Oncle de l'écrivain et journaliste Jean d'Ormesson.